Suppression de milliers de postes à l'étude, tentation d'imiter le modèle "low-cost" en Europe, abandon envisagé de la classe affaires sur certains vols: en panne de rentabilité, Lufthansa essaie de s'inventer un nouveau modèle d'activité.
Depuis l'annonce en février d'un plan d'économies de 1,5 milliard d'euros d'ici 2014, des informations fuitent dans la presse allemande sur les moyens -souvent draconiens- pour y parvenir, sans être formellement démenties par le premier groupe aérien européen.
Vendredi un porte-parole a confirmé que le groupe songeait à rapprocher ses filiales allemandes Germanwings et Eurowings "pour s'adapter à la concurrence" sur le marché européen. En clair: être en mesure de chasser sur les terres des compagnies low-cost Ryanair ou Easyjet.
Le groupe a déjà commencé cette année à confier ses vols européens depuis Stuttgart (sud-ouest) à Germanwings -dont les frais opérationnels sont largement inférieurs à ceux de la maison mère, notamment en raison de coûts inférieurs du personnel de cabine. Cette solution doit être imitée dans d'autres aéroports régionaux allemands.
Lufthansa caresse aussi le projet de recourir à des intérimaires pour son personnel de cabine à son nouvel aéroport de Berlin qui va ouvrir en juin. Un plan que les syndicats tentent de contester en justice.
Jeudi, le quotidien Bild a publié une information qui a fait l'effet d'une bombe: Lufthansa songerait à supprimer la moitié environ de ses 6.000 emplois administratifs -services financiers, gestion du personnel et des réservations- dont 1.500 à son siège de Francfort (ouest).
Le groupe n'a pas confirmé les chiffres mais a rappelé que des suppressions d'emplois seraient probablement "inévitables" pour rester compétitif.
Immense pression des coûts
La crise de rentabilité est sérieuse: l'an dernier alors que le chiffre d'affaires a augmenté de 8,3% à 28,7 milliards d'euros, la marge d'exploitation dans l'activité passagers est tombée à 2,1% (contre 4% en 2010) et le groupe a même accusé une perte nette de 13 millions d'euros.
Lufthansa a certes commencé à faire le ménage, en se débarrassant par exemple de sa filiale britannique en difficulté BMI, revendue au holding IAG de British Airways et Iberia, et a imposé aux forceps une restructuration chez une autre filiale à la peine, Austrian Airlines.
Mais le groupe est aussi en plein doute sur le segment des vols intercontinentaux, avec la concurrence croissante des compagnies du Golfe. Il a dû récemment fermer trois lignes vers l'Asie et envisage de supprimer sa classe affaires sur certains vols.
"Lufthansa est sous une immense pression des coûts parce qu'en plus de la concurrence des compagnies low-cost et de la concurrence des compagnies arabes il y a les prix élevés du pétrole", constate Frank Skodzic, analyste chez Commerzbank, qui juge les efforts de restructuration "nécessaires".
Les représentants du personnel de Lufthansa sont conscients de la situation difficile de leur employeur mais redoutent, à l'instar du syndicat du personnel de bord UFO, une perte de la qualité qui a longtemps fait la force du groupe. Et ils ne sont pas prêts à accepter des efforts supplémentaires sans contrepartie.
Pour ne rien arranger à ses affaires, Lufthansa a annoncé cette semaine le départ de son directeur financier Stephan Gemkow, appelé à diriger le puissant holding familial allemand Haniel. Son successeur n'est pas encore connu.
Le groupe est attendu au tournant dans les jours qui viennent, avec la publication de ses résultats trimestriels jeudi, qui s'annoncent négatifs, et son assemblée générale ordinaire le 8 mai.