Jean-Yves Le Drian et l'état-major des armées mettent la pression sur Matignon et l'Elysée pour préserver les crédits de la Défense de nouvelles coupes, dont les conséquences seraient selon le ministre "très lourdes" sur les plans militaire, social et industriel.
Dans une lettre à Manuel Valls, citée vendredi par le Figaro, Jean-Yves Le Drian alerte le Premier ministre sur le "contexte social proche de l'exaspération" au sein des armées : "la Défense ne peut absorber une perte de crédits en 2014, ni sur sa masse salariale, ni sur (les) crédits de fonctionnement, qui se situent déjà "au seuil de l'acceptabilité sociale".
L'Elysée a réagi vendredi matin en indiquant que François Hollande, chef des armées, "rendra ses arbitrages dans les prochaines semaines". Un délai qui laisse planer le doute sur les intention du chef de l'Etat. La lettre du ministre de la Défense à Manuel Valls "date du 9 mai dernier et s'inscrit dans le cadre de la procédure budgétaire", souligne la présidence.
L'entourage de Manuel Valls avait pour sa part répondu fermement jeudi à l'inquiétude des militaires en affirmant catégoriquement que "la Loi de programmation militaire ne sera pas touchée. Et tous les crédits militaires sont dans la LPM". "Ce serait, dit-on, dévastateur en termes d'emplois".
Côté Défense, on souligne que la lettre du ministre ne porte que sur l'annuité 2014, première année de la LPM qui couvre la période 2014-2019. Elle a été adressée à Matignon deux jours avant les déclarations de l'ex-ministre UMP Xavier Bertrand, qui a accusé le gouvernement de préparer de nouvelles coupes de 1,5 à 2 milliards par an dans le budget de la Défense.
La discussion politique a ensuite "changé d'échelle" et se déroule depuis entre Jean-Yves Le Drian, Michel Sapin à Bercy, Matignon et l'Elysée, indique-t-on de source proche du dossier. Si Matignon entend préserver les crédits de la Défense, "il faut le dire à la direction du budget, qu'ordre lui soit donné d'arrêter son travail d'amputation de la LPM et de la doter", martèle-t-on de même source.
- Risques "d'effondrement du système militaire" -
Le risque de nouvelles amputations des crédits de la Défense, déjà lourdement sollicitée dans le cadre de la LPM, a suscité une réaction courroucée des chefs d'état-major des armées, qui ,selon les milieux militaires, ont brandi la menace d'une démission collective. Ce qui serait une première dans l'histoire des armées.
"Après les déclarations de Xavier Bertrand, les armées attendaient d'être rassurées immédiatement. Comme ce n'est pas le cas depuis deux semaines, on a une humeur très instable dans les armées dont se font l'écho les chefs militaires", note un proche du dossier.
En renvoyant les arbitrages à plusieurs semaines, l'Elysée, coincé entre les engagements du chef de l'Etat de sanctuariser les crédits Défense et la nécessité d'atteindre les objectifs du plan gouvernemental de 50 milliards d'euros d'économies pour redresser les finances publiques, risque l'alimenter l'inquiétude.
Dans sa lettre, le ministre de la Défense met en particulier Matignon en garde contre les risques qu'une amputation des crédits ferait courir aux industries de défense, "avec des suppressions de milliers d'emplois et des pertes de compétences".
Votée fin 2013, la LPM alloue 190 milliards d'euros de crédits d'ici 2019 à la Défense, avec un budget annuel de 31,4 milliards. Deuxième budget de la Nation, la Défense est forcément dans la mire de Bercy à la recherche de nouvelles sources d'économies.
Ancien chef de l'Ecole de guerre, le général Vincent Desportes, qui traduit habituellement l'humeur des armées, a dénoncé vendredi les risques d'"effondrement du système militaire" français. "C'est l'honneur de M. Le Drian d'avoir écrit cette lettre. J'espère que ce sera l'honneur des plus hautes autorités de répondre, non, nous ne toucherons pas au budget des armées", a-t-il affirmé sur Europe 1.
Soutien également de l'ancien ministre de la Défense UMP, Gérard Longuet, qui a apporté "un appui total à Jean Yves Le Drian, pour sanctuariser la dépense militaire».