Producteurs laitiers et industriels sont parvenus, sous la pression du gouvernement, à conclure un accord sur le prix du lait, inférieur à celui réclamé par les éleveurs qui restent inquiets en dépit des promesses de soutien public.
L'accord, conclu dans la nuit de mercredi à jeudi au ministère de l'Agriculture, avec le renfort des deux médiateurs nommés par le gouvernement, prévoit trois prix moyens pour l'année 2009. Ces prix sont modulés en fonction de l'activité de l'entreprise qui achète le lait au producteur.
Les éleveurs les plus chanceux se verront acheter leur lait à 280 euros la tonne, tarif le plus élevé. Les laiteries qui payeront ce prix sont celles dont l'activité est principalement orientée vers les produits de grande consommation (yaourt, fromages AOC, etc), donc plus rémunératrice.
A l'inverse les producteurs les plus pénalisés sont ceux qui livreront aux laiteries qui traitent surtout des produits industriels (poudre de lait, beurre) dont les cours mondiaux ont dégringolé ces derniers mois. Ils seront payés à 262 euros la tonne.
Entre les deux, des agriculteurs livreront leur lait à 272 euros la tonne à des laiteries qui ne sont ni trop handicapées par les produits industriels ni en pointe sur les desserts.
"L'essentiel des producteurs" bénéficient des tarifs des deux tranches supérieures (280 euros et 272 euros), selon Gilles Psalmon, directeur général de la fédération nationale des producteurs laitiers (FNPL).
Par rapport à 2008, le prix moyen annuel devrait baisser de 57 à 65 euros la tonne, selon les chiffres de la FNPL.
Un réexamen des prix annoncés mercredi est prévu en septembre afin de les adapter à une éventuelle remontée des cours des produits industriels.
"En donnant notre accord à 280 euros la tonne, on ne pouvait vraiment pas obtenir mieux", a réagi Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) qui s'attend néanmoins à de la "déception" de la part des producteurs.
Pourtant proches de la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs ont dénoncé un "mauvais accord" qui "répond uniquement aux attentes des industriels laitiers" et appellent "à maintenir la pression" sur le terrain.
De son côté, la Confédération paysanne de Bretagne a accusé la FNSEA d'avoir "trahi les producteurs" en signant l'accord, sans traiter "les vraies causes de la crise".
L'accord conclu mercredi prévoit la mise en place d'un nouveau cadre de négociations. Le Cniel (centre national interprofessionnel de l'économie laitière) sera chargé d'élaborer des indices trimestriels de tendances des marchés. Il doit aussi définir le cadre national des relations contractuelles entre producteurs et transformateurs pour 2010 et au-delà.
L'accord conclu dans la nuit a été arraché après trois séances de négociations et près d'un mois de mobilisation des éleveurs.
Le gouvernement a mis tout son poids dans la balance, annonçant un "plan d'accompagnement" de 30 millions d'euros.
Il y avait urgence à trouver une sortie au conflit, les industriels commençant à payer leurs producteurs à partir du 5 juin.
Dans l'ouest de la France, région particulièrement mobilisée depuis le début du conflit, des producteurs des Côtes d'Armor, qui livrent leur lait à Entremont-Alliance, étaient inquiets: "pour nous, ce ne sera pas 280 euros la tonne, mais 262 euros. C'est inacceptable".
L'Organisation des producteurs de lait (OPL) a dénoncé l'accord dans un communiqué.
"Comme on pouvait s’y attendre, les négociations interprofessionnelles, sous l’égide du ministère, n’ont pas permis d’aboutir à un prix du lait rémunérateur pour les producteurs", estime l'OPL qui parle d'un "accord de dupes".
L'Organisation estime que l'accord pérennise la vente à perte.