Renault se retrouve sans numéro deux avec le départ annoncé jeudi de Carlos Tavares, qui avait créé la surprise il y a deux semaines en affichant son ambition de prendre la tête d'un autre constructeur automobile.
"D’un commun accord avec Renault, Carlos Tavares cesse à compter de ce jour d’exercer ses fonctions de directeur général délégué aux opérations de Renault afin de poursuivre des projets personnels", a indiqué le groupe français dans un communiqué laconique.
Il reste pour l'instant inscrit dans les effectifs de l'entreprise, jusqu'à une date non précisée et c'est le PDG Carlos Ghosn, qui reprend "à titre temporaire" ses fonctions, selon un porte-parole.
"Une adaptation de l’organisation visant à renforcer les performances industrielles et commerciales du groupe Renault sera arrêtée et communiquée prochainement", selon Renault. "La question de remplacer son poste en tant que tel ou de répartir ses fonctions autrement est en cours de réflexion", a précisé une porte-parole.
Un comité central d'entreprise extraordinaire devrait être réuni dans huit à dix jours à ce sujet, selon deux sources proches du dossier.
M. Tavares, 55 ans, a créé la surprise en confiant mi-août à l'agence financière Bloomberg que, faute d'espoir de succéder un jour à Carlos Ghosn, il visait plus haut ailleurs et lorgnait notamment sur les géants américains du secteur.
Le PDG de Renault, âgé de 59 ans, arrive en fin de mandat l'an prochain mais rien ne présage qu'il ait l'intention de lâcher les rênes du groupe, qu'il dirige en même temps que son partenaire japonais Nissan à la tête duquel il a été reconduit pour deux ans en juin.
Envie d'Amérique
"Nous avons un grand patron et il est là pour rester", avait lui-même constaté Carlos Tavares.
Envie d'Amérique
"Toute personne qui a la passion de l'industrie automobile arrive à la conclusion qu'il y a un moment où vous avez l'énergie et l'appétit pour devenir numéro un", avait-il confié à Bloomberg.
D'origine portugaise, M. Tavares, qui a fait l'essentiel de sa carrière chez Renault et Nissan, avait évoqué la possibilité de diriger les américains General Motors ou Ford qui pourraient être amenés à remplacer prochainement leurs dirigeants, Dan Akerson et Alan Mulally.
"Mon expérience serait appréciable pour n'importe quelle grande compagnie", a déclaré M. Tavares. "Pourquoi pas GM ? Ce serait un grand honneur de diriger une entreprise comme GM."
Ces déclarations ont créé la surprise chez Renault, jusqu'au plus haut niveau, a reconnu jeudi une source interne. "C'est tombé comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu", aurait déclaré M. Ghosn, qui a pris en début de semaine la température en interne afin de voir comment les nouvelles ambitions de son bras droit étaient perçues et quelles conclusions il devait en tirer.
"Ce sont les prétentions de Carlos Tavares à faire de l’ombre à Carlos Ghosn qui sont ici sanctionnées et non la stratégie qu'ils nous imposent", a regretté la CGT.
M. Tavares, un ingénieur féru de course automobile, ne sera resté qu'un peu plus de deux ans à son poste. Il avait pris ses fonctions en mai 2011, suite à la fausse affaire d'espionnage qui avait entraîné le départ de son prédécesseur, Patrick Pélata.
Cet homme du sérail, qui a enchaîné différentes fonctions dans la gestion de programmes chez Renault pendant plus de 20 ans avant d'élargir son expérience chez Nissan puis de revenir au bercail, était apprécié pour son amour et sa connaissance du monde automobile.
Il avait par exemple à coeur de faire renaître la mythique marque de voitures sportives Alpine, de relancer la marque au losange dans le haut de gamme après les échecs cuisants des modèles Avantime et Velsatis.
"Il avait un rôle pour la marque et pour le groupe Renault qui était extrêmement important. Sa sensibilité à l'automobile était un élément clé", commente Bertrand Rakoto, analyste chez Polk.
L'annonce de son départ n'a pas eu d'effet significatif sur le titre Renault, qui a pris 0,36% à 55,24 euros à la Bourse de Paris, quand le CAC 40 a pris 0,65%.