La propre fille de l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt a donné un sérieux coup d'accélérateur à l'affaire des dons faramineux accordés par sa mère au photographe François-Marie Banier, en citant directement l'artiste devant un tribunal pour obtenir un procès.
Un an et demi après le dépôt de sa plainte pour "abus de faiblesse", Françoise Bettencourt-Meyers, qui siège comme sa mère au conseil d'administration de L'Oréal, n'a pas attendu l'issue de l'enquête préliminaire menée par le parquet de Nanterre. Ce dernier, qui avait confié l'enquête à la brigade financière, aurait également pu décider de citer M. Banier au tribunal ou de classer le dossier sans suite.
"Le parquet a fait un excellent travail (...) Il n'en tire par les conséquences assez rapidement. Nous prenons nos responsabilités", a affirmé à l'AFP l'avocat de Mme Bettencourt-Meyers, Me Olivier Metzner, confirmant une information du site internet du Point.
Selon Me Metzner, "l'audience de consignation", un premier rendez-vous purement procédural, aura lieu le 3 septembre au tribunal correctionnel de Nanterre.
Aucun des avocats de Liliane Bettencourt ou de François-Marie Banier n'avait pu être joint mercredi par l'AFP.
L'affaire, délicate à gérer pour le leader mondial des cosmétiques, avait démarré en décembre 2007 par le dépôt d'une plainte de Françoise Bettencourt-Meyers dénonçant la "forte emprise" que le photographe et écrivain, ami de nombreuses vedettes, aurait exercé pendant des années sur sa mère, âgée aujourd'hui de 86 ans.
Une "emprise" réfutée par Liliane Bettencourt mais qui aurait permis à l'artiste de se voir accorder près d'un milliard d'euros de dons ces dernières années, sous forme de chèques bancaires, de contrats d'assurance-vie ou de toiles de maître.
La plainte, nourrie de plusieurs témoignages émanant de l'entourage de la famille (comptable, femme de chambre, infirmière personnelle), avait été déposée un mois après la mort d'André Bettencourt, le mari de Liliane Bettencourt, qui fut lui aussi l'un des administrateurs de L'Oréal.
Au cours de l'enquête, Liliane Bettencourt a toujours refusé de se soumettre à une expertise sur son état de santé mentale dans les conditions fixées par le parquet de Nanterre. Elle a cependant fait verser au dossier le rapport d'un neuropsychiatre qu'elle a elle-même missionné et qui conclut à sa parfaite santé.
Dans sa plainte, que l'AFP a pu consulter, sa fille évoque au contraire des "troubles de concentration" et des "pertes de mémoire" ajoutant qu'elle "peut" parfois "ne pas se trouver en pleine possession de ses moyens".
Liées au sein du groupe de cosmétiques, mère et fille ne se parlent plus aujourd'hui, alors que les analystes prêtent régulièrement des projets d'OPA à Nestlé, le deuxième actionnaire de L'Oréal (29,6% du capital).
Quelques jours après la révélation de l'affaire, Liliane Bettencourt avait affirmé avoir "pris depuis longtemps toutes dispositions pour permettre à l’entreprise (...) de (conserver) son caractère strictement familial".
"J'ai donné toute ma participation dans L'Oréal en nue-propriété à ma fille, elle aura tout après ma mort", avait-elle ajouté dans une interview en décembre 2008 au JDD.
Liés par un pacte d'actionnaires qui a pris fin en avril dernier, la famille Bettencourt et Nestlé sont aujourd'hui libres de vendre leurs parts, avec la limite toutefois d'un droit de préemption mutuel jusqu'en 2014.