par Andrew Mills
DOHA (Reuters) - Les médiateurs du Qatar pressent le Hamas d'accélérer les libérations d'otages enlevés lors de l'attaque sanglante du 7 octobre en Israël et détenus depuis lors à Gaza, sans attendre de concessions israéliennes en contrepartie, ont déclaré des diplomates et une source régionale au fait des discussions.
Doha, qui entretient de longue date des relations avec le Hamas et avec Israël, mène des efforts de médiation avec le groupe armé palestinien alors que l'armée israélienne mène des frappes aériennes incessantes contre la bande de Gaza et se prépare à une offensive terrestre dans l'enclave.
Quatre femmes qui étaient détenues à Gaza - deux israélo-américaines et deux Israéliennes - ont été libérées, vendredi et lundi, dans le cadre de médiations menées par le Qatar et l'Egypte. Les autorités palestiniennes ont indiqué que le Hamas détenait plus de 200 otages, parmi lesquels figurent de nombreux binationaux disposant aussi d'un passeport américain ou européen.
Doha discute actuellement avec le Hamas et Israël de la libération d'un groupe élargi de civils, a déclaré une cinquième source au fait des négociations, précisant que ces négociations "progressaient".
Selon trois diplomates et la source régionale, les pourparlers ne concernent aucun des soldats israéliens détenus par le Hamas, qui considèrent ces soldats comme des "atouts stratégiques" pouvant éventuellement permettre d'obtenir des concessions importantes de la part d'Israël.
A Washington, deux sources américaines ont indiqué que l'administration du président Joe Biden comprenait de Doha que ses médiateurs poussaient le Hamas à relâcher un groupe élargi d'otages immédiatement et sans attendre de quelconques concessions israéliennes en contrepartie.
L'un des arguments avancés par le Qatar dans ses échanges avec le Hamas, ont déclaré trois des sources, est le fait que libérer un groupe important d'otages civils permettrait au groupe palestinien de se débarrasser d'un fardeau logistique, alors qu'il gère en parallèle sa confrontation avec Tsahal.
MANQUE DE PRÉPARATIFS, GESTION COMPLIQUÉE
Nourrir, accommoder et soigner les otages n'est pas simple pour le Hamas du fait des pénuries importantes à Gaza, ont déclaré les sources. Nourriture, eau, médicaments et électricité manquent cruellement dans l'enclave palestinienne, densément peuplée avec 2,3 millions d'habitants, et placée sous blocus.
Trois des sources ont ajouté que la gestion des otages était rendue encore plus compliquée par le fait que ceux-ci sont détenus par différents groupes en différents lieux.
Une source régionale informée des négociations sur les otages a indiqué qu'il semblait que le Hamas n'avait pas anticipé un nombre d'otages si élevé et n'avait pas effectué de préparatifs en ce sens, ne s'attendant pas à un "succès si grand" de son incursion du 7 octobre.
Les autorités palestiniennes estiment que de nombreux otages pourraient être détenus dans le réseau de tunnels souterrains de Gaza.
Doha a aussi mis en avant auprès du Hamas l'idée que libérer un grand nombre de civils pourrait profiter diplomatiquement au groupe palestinien en montrant que celui-ci, listé comme "terroriste" par de nombreux pays occidentaux, est sensible aux préoccupations humanitaires internationales concernant la détention des enfants et d'autres civils, ont déclaré deux des sources.
Aucun commentaire n'a été obtenu auprès d'un représentant du Hamas au Qatar. Le ministère qatari des Affaires étrangères n'a pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire.
Un représentant israélien a déclaré que le Hamas se servait des otages à des fins de propagande, cherchant à montrer un visage humain en libérant une poignée de personnes que ses combattants ont enlevées. Il a dénoncé une psychologie de guerre similaire à celle des Nazis.
S'il décidait de libérer les civils, le Hamas détiendrait toujours des membres de l'armée et des services de sécurité israéliens. Un porte-parole du groupe a déclaré samedi que le sort des otages israéliens était lié à un possible échange de prisonniers avec les Palestiniens détenus dans des prisons israéliennes, tout en assurant qu'aucune discussion n'aurait lieu tant qu'Israël n'aura pas stoppé ses attaques contre Gaza.
Les Etats-Unis conseillent à Israël de se retenir pour l'heure de mener une offensive terrestre dans Gaza afin de disposer de davantage de temps pour obtenir la libération des otages et de se préparer à un éventuel embrasement du conflit, a-t-on appris lundi de sources distinctes. Washington tient Doha informé de ces échanges, ont-elles ajouté.
(Reportage Andrew Mills, avec Matt Spetalnick et Humeyra Pamuk à Washington, Nidal al-Mughrabi à Gaza, James Mackenzie à Jérusalem, Edmund Blair à Beyrouth; version française Jean Terzian)