par Nidal al-Mughrabi, Emily Rose et Maayan Lubell
GAZA/JÉRUSALEM - Deux grands hôpitaux du nord de la bande de Gaza ont fermé leurs portes à de nouveaux patients dimanche, le personnel déclarant que les bombardements israéliens et le manque de carburant et de médicaments risquaient d'entraîner davantage de morts de nourrissons et de patients.
Les hôpitaux du nord de l'enclave palestinienne sont bloqués par les forces israéliennes et sont à peine en mesure de soigner les patients qui s'y trouvent, selon le personnel médical. Israël affirme qu'il se concentre sur les combattants du Hamas dans la région et que les hôpitaux devraient être évacués.
Les deux plus grands hôpitaux de Gaza, Al Chifa et Al Qods, ont tous deux annoncé qu'ils suspendaient leurs activités dimanche. Alors que le nombre de morts et de blessés augmente chaque jour et que la moitié des hôpitaux du territoire sont désormais hors service, les capacités d'accueil sont de plus en plus réduites.
Un chirurgien de l'hôpital Al Chifa a déclaré que le bombardement d'un bâtiment abritant des couveuses avait obligé les équipes médicales à placer des bébés prématurés dans des lits ordinaires, en utilisant le peu d'énergie disponible pour faire fonctionner l'air conditionné afin de les réchauffer.
"Nous savons que c'est très risqué", a déclaré le docteur Ahmed El Mokhallalati. "Nous nous attendons à en perdre de plus en plus chaque jour."
Israël affirme que le Hamas a placé des centres de commandement sous les hôpitaux et à proximité et que son armée doit les atteindre pour faire libérer les quelque 200 otages que le groupe islamiste a fait en Israël lors d'une série d'attaques, début octobre. Le Hamas nie avoir utilisé les hôpitaux de cette manière.
Dimanche, un responsable palestinien informé des négociations sur la libération des otages a déclaré que le Hamas avait suspendu les négociations en raison de la manière dont Israël avait traité l'hôpital Al Chifa.
Ni le Hamas ni Israël n'ont pas de commentaire dans l'immédiat.
"PERSONNE N'ENTRE, PERSONNE NE SORT"
L'armée israélienne a déclaré avoir proposé d'évacuer les nouveau-nés et avoir mis à disposition 300 litres de carburant à l'entrée d'Al Chifa dans la nuit de samedi à dimanche, mais que ces deux initiatives avaient été bloquées par le Hamas.
Selon Muhammad Abu Salmiya, le directeur de l'hôpital, les informations faisant état d'un refus d'utiliser le carburant sont "des mensonges et des calomnies".
Le porte-parole du ministère de la Santé de Gaza contrôlé par le Hamas, Achraf al Qidra, a déclaré que, sur les 45 bébés en couveuses à Shifa, trois étaient déjà morts.
Selon Mohammad Qandil, médecin à l'hôpital Nasser de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, qui est en contact avec ses collègues sur place, Al Chifa est désormais fermé aux nouveaux blessés.
"L'hôpital Chifa ne fonctionne plus, personne n'est autorisé à y entrer et personne n'est autorisé à en sortir", a-t-il déclaré.
Le Croissant-Rouge palestinien a déclaré que l'hôpital Al Qods était également hors service, le personnel s'efforçant de soigner les personnes déjà sur place avec peu de médicaments, de nourriture et d'eau.
"L'hôpital Al Qods a été coupé du monde au cours des six ou sept derniers jours. Il n'y a ni entrées, ni sorties", a déclaré Tommaso Della Longa, porte-parole de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Trois agences de l'Onu ont exprimé leur horreur face à la situation dans les hôpitaux, déclarant avoir enregistré en 36 jours au moins 137 attaques contre des établissements de santé, faisant 521 morts et 686 blessés, dont 16 morts et 38 blessés parmi le personnel médical.
"LE MONDE NE PEUT RESTER SILENCIEUX"
"Le monde ne peut rester silencieux alors que les hôpitaux, qui devraient être des havres de paix, sont transformés en scènes de mort, de dévastation et de désespoir", a déclaré l'organisation, précisant que la moitié des hôpitaux de Gaza étaient désormais fermés.
Israël a assuré dimanche qu'il était possible d'évacuer en toute sécurité trois hôpitaux du nord de Gaza, dont Al Chifa.
Face à l'aggravation de la situation humanitaire dans la bande de Gaza, 80 étrangers et plusieurs blessés palestiniens sont passés en Égypte lors des premières évacuations depuis vendredi, selon quatre sources de sécurité égyptiennes.
La Pologne a déclaré que 18 d'entre eux étaient ses citoyens, tandis que le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Jake Sullivan, a dit à CBS (NYSE:CBS_old) News que les ressortissants américains seraient évacués de la bande de Gaza dans la journée de dimanche.
Au moins 80 camions d'aide ont quitté l'Égypte pour se rendre à Gaza dimanche après-midi, selon deux des sources. La Jordanie a déclaré plus tôt avoir parachuté un deuxième lot dans un hôpital de campagne.
Très peu d'aide est entrée à Gaza depuis qu'Israël a déclaré la guerre au Hamas il y a plus d'un mois, après que des commandos islamistes se sont livrés à des massacres de civils dans le sud d'Israël, tuant environ 1.200 personnes et en prenant plus de 200 en otages, selon les autorités israéliennes.
Plus de 11.000 personnes ont depuis été tuées à Gaza, dont environ 40% d'enfants, selon les dernier chiffres des services de santé locaux.
(Reportage de Nidal al-Mughrabi à Gaza, Maayan Lubell, Maytaal Angel et Emily Rose à Jérusalem ; version française Camille Raynaud, Tangi Salaün et Benjamin Mallet)