TOULOUSE (Reuters) - La cour administrative d’appel de Paris rendra d’ici deux à dix semaines son jugement concernant la cession à l’entreprise Casil Europe, issue d'un consortium chinois, des actions détenues par l’État dans l'aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB), a-t-on appris lundi de source judiciaire.
L’avocat du Collectif contre la privatisation d’ATB et de trois syndicats avait déposé un recours pour demander l’annulation de cette vente. L’action du Collectif avait été déboutée en mars 2017 en première instance, faute de preuve.
Le rapporteur public de la cour administrative d’appel de Paris a conclu lundi lors de cette audience "à la nullité des actes administratifs conduisant à la cession à Casil Europe des actions détenues par l’État dans l'aéroport de Toulouse-Blagnac (ATB) pour violation du cahier des charges".
L’avis du rapporteur public est uniquement consultatif, la cour peut décider de ne pas suivre sa préconisation.
"C’est une avancée significative dans ce dossier car c’est la première fois qu’une autorité indépendante nous donne raison sur l’irrégularité de cette vente", a déclaré à Reuters Me Christophe Leguevaques, l’avocat du Collectif toulousain et de trois syndicats opposés à la cession d’ATB.
"Le rapporteur public a considéré que cette violation du cahier des charges de la vente constitue un vice substantiel donc si la cour suit son avis, la décision du choix de Casil Europe comme acquéreur des parts de l’Etat pourrait être annulé", détaille l’avocat toulousain.
En septembre 2014, l’appel à candidature lancé par l’État auprès des acquéreurs potentiels d’une partie de ses actions au capital d’ATB mentionnait deux offres aux noms de Casil Europe et de SNC Lavalin. En novembre 2014, la liste des candidatures retenait uniquement Casil Europe car SNC Lavalin avait été mis en cause dans une affaire de corruption en Syrie.
OBJECTIF : EMPÊCHER LA VENTE
La polémique sur la privatisation d’ATB a franchi un palier ces dernières semaines lorsque Casil Europe, actionnaire privé issu du consortium chinois Symbiose, a décidé de céder sa participation de 49,99% au capital de la société, troisième aéroport régional français avec un trafic record de 9,6 millions de passagers en 2018.
La décision de Casil Europe de revendre ses parts acquises en avril 2015 pour 308 millions d’euros, après avoir perçu près de 30 millions d’euros de dividendes en quatre ans, serait liée au choix de l’Etat de conserver les 10,01% qu’il lui reste au capital d’ATB, affirment plusieurs sources proches du dossier.
Le 13 mars, une nouvelle audience doit se tenir en référé devant le tribunal de commerce de Paris pour demander la mise sous séquestre des actions détenues par Casil Europe au capital de la société Aéroport de Toulouse-Blagnac, en vue de bloquer une vente éventuelle à un acheteur privé.
Cette action en justice a été lancée par les unions départementales de la Haute-Garonne des syndicats CGT, Solidaires et FSU.
Outre les représentants de Casil Europe, l’assignation en référé pour l’audience du 13 mars concerne l’Etat et les quatre actionnaires publics locaux, la chambre de commerce et d’industrie de Toulouse, Toulouse Métropole, la région Occitanie et le département de Haute-Garonne qui conservent 40 % de parts.
"L’objectif est d’empêcher la revente des actions avant la mi-mai 2019 tant que la justice administrative n’a pas validé définitivement la cession opérée en avril 2015 par Casil Europe et l’Etat", explique Me Christophe Léguevaques.
En parallèle, ce même collectif a lancé le 11 février une pétition en ligne contre la privatisation de l’aéroport et demandé aux collectivités actionnaires de saisir à leur tour la justice pour obtenir la nullité de la cession de 2015.
Dans le dossier toulousain, trois entreprises ou groupements au moins font partie de la "short-list" des candidats au rachat des parts de Casil Europe parmi lesquels Vinci (PA:SGEF) Airports, allié à la Caisse des dépôts Infrastructure et à Predica (groupe Crédit Agricole (PA:CAGR)), le groupe de BTP Eiffage (PA:FOUG) et le réseau Banque Populaire Occitane-Caisse d’Epargne Midi-Pyrénées associé à la société de capital investissement Ardian et aux fonds Mirova ( Natixis (PA:CNAT)).
(Julie Rimbert, édité par Yves Clarisse)