Un échec des négociations entre la Grèce et ses créanciers risquerait de replonger le pays dans une "profonde récession" et d'entraver l'embellie actuelle en Europe centrale, a averti jeudi la Berd, déjà aux prises dans sa zone d'action avec les crises en Russie et en Ukraine.
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement, fondée en 1991 pour favoriser la transition vers l'économie de marché des pays issus de l'implosion de l'Union soviétique ainsi que de ses anciens satellites d'Europe de l'Est, s'est engagée en mars à investir en Grèce pour la première fois. Cette décision a été prise à la demande d'Athènes, confirmée avec l'arrivée au pouvoir cette année de la gauche radicale d'Alexis Tsipras.
A ce titre, elle inclut pour la première fois le pays dans ses nouvelles prévisions économiques publiées à l'occasion de son assemblée annuelle organisée à Tbilissi au lendemain de l'annonce du retour du pays en récession.
La Berd prévoit une croissance nulle du produit intérieur brut cette année, après +0,8% l'an dernier. Mais ce pronostic, plus pessimiste que celui de Bruxelles, se base sur un accord entre Athènes et ses partenaires de la zone euro et le FMI qui négocient laborieusement le déblocage d'une dernière tranche de prêts internationaux de 7,2 milliards d'euros.
"Ces prévisions deviendraient totalement invalides" en cas d'échec, potentiellement synonyme de faillite pour Athènes, constate l'institution financière. "Dans ce cas, la Grèce retomberait probablement dans une profonde récession dont l'ampleur et la durée sont difficiles à évaluer", poursuit-elle.
La Grèce a déjà perdu un quart de son PIB au cours de six années d'une récession courant entre 2008 et 2014. Et après trois trimestres de croissance, elle vient d'y replonger, l'activité se figeant vu les incertitudes actuelles.
Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, après avoir averti que le pays risque de manquer de liquidités dans "deux semaines", a encore appelé jeudi la Banque centrale européenne à reporter le paiement de certaines traites, ce que l'institution a toujours rejeté.
- Aggravation en Ukraine -
"La zone euro dans son ensemble est plus protégée qu'il y a quelques années, mais les pays voisins de la Grèce lui restent liés économiquement", a reconnu lors d'une conférence de presse Hans Peter Lankes, le chef économiste de la Berd.
La Berd prévient qu'une nouvelle crise grecque pourrait "assombrir les perspectives" pour les pays d'Europe Centrale où elle opère, au moment même où la région, Pologne en tête, montre un regain de dynamisme lié à la généreuse politique monétaire européenne et la baisse des cours du pétrole.
L'institution ne cache pas qu'elle n'a pas besoin d'un tel scénario catastrophe alors que le reste de sa zone "historique", l'ex-URSS, traverse une période particulièrement difficile liée à la crise ukrainienne.
L'Ukraine, exsangue après plus d'un an de guerre, se voit prédire par la Berd, l'un de ses principaux soutiens financiers, une chute de 7,5% du produit intérieur brut cette année, plus sévère que l'an dernier (6,8%)
Pour la Russie, affectée par les sanctions occidentales et par la chute des cours du pétrole, la Berd se montre bien plus pessimiste que les autorités russes, anticipant une chute de 4,5% du PIB cette année et de 1,8% l'an prochain.
Et "les effets de contagion sont bien plus importants que nous le pensions", a souligné Piroska Nagy, économiste de la Berd.
L'institution a ainsi assombri ses prévisions d'évolution du PIB pour presque tous les pays de l'ex-URSS et table désormais sur de coups de freins sérieux malgré les besoins de modernisation dans le Caucase et en Asie centrale voire de récessions pour le Bélarus (-2,5%), l'Arménie (-1,5%) ou la Moldavie (-2%).
La crise russe se propage surtout via une chute brutale des transferts de fonds des diasporas en Russie, voire pour l'Asie centrale par un retour massif de ces émigrés qui risquent de déstabiliser socialement certains pays comme le Tadjikistan.
La Berd a elle-même gelé ses nouveaux programmes d'investissement en Russie dans le cadre des sanctions européennes la visant pour son rôle dans la crise en Ukraine. Le vice-ministre russe des Finances Sergueï Stortchak a appelée jeudi la Berd à se "dépolitiser", l'accusant dans un entretien à l'agence TASS de violer sa mission de banque de développement.
Le président de la Berd Suma Chakrabarti a reconnu que cet environnement lui coûtait cher avec une perte nette de 568 millions d'euros l'an dernier, mais a assuré ses partenaires qu'elle poursuivrait son soutien financier.
"Dans une période de tensions géopolitiques et d'incertitude économique, la banque peut servir à bâtir des ponts et à favoriser l'intégration", a-t-il plaidé en ouvrant l'assemblée annuelle dans un théâtre de Tbilissi.