PARIS (Reuters) - L'Assemblée nationale a entamé mardi l'examen d'une réforme du dialogue social a minima, pratiquement assurée d'être adoptée mais déjà contestée par le patronat et une partie des syndicats.
Ce projet de loi vise à simplifier l'organisation dans les entreprises d'un dialogue social sur lequel le gouvernement mise pour contourner les rigidités du Code du travail en favorisant les accords d'entreprise.
"Ce n'est évidemment pas une révolution mais c'est une évolution importante, à condition qu'on soit entendu dans le débat parlementaire", a déclaré sur Europe 1 le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.
Ce texte prévoit aussi la création d'un compte personnel d'activité regroupant tous les droits des salariés en matière de formation, de pénibilité, d'épargne temps, etc.
Il instaure une prime d'activité destinée à soutenir les 18-25 ans faiblement rémunérés ou précaires, qui se substituera à la prime pour l'emploi et à la part du revenu de solidarité active (RSA) destiné à assurer un complément de ressources aux travailleurs pauvres. Il sanctuarise par ailleurs l'assurance chômage des intermittents du spectacle.
Ce texte est la conséquence de l'échec, en janvier, des négociations patronat-syndicats sur la modernisation du dialogue social, qui a contraint le gouvernement à reprendre la main.
Il comprend une trentaine d'articles sur lesquels ont été déposés environ 700 amendements.
"C'est un texte équilibré", a estimé le ministre du Travail, François Rebsamen, selon qui les salariés et les entreprises "ont tout à gagner à un dialogue social de meilleure qualité".
Mais il est vivement contesté par la CGT, Force ouvrière et les petits patrons, pour des raison différentes.
VOTE À L'ASSEMBLÉE LE 2 JUIN
Les deux syndicats déplorent ainsi que le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) soit "dilué" dans la délégation unique du personnel (DUP) qui pourra être instaurée dans les entreprises de 50 à 300 salariés à la place des instances représentatives existantes.
Les patrons de très petites entreprises (TPE) de moins de 11 salariés contestent pour leur part la création de commissions paritaires régionales, qui constitueront une forme extérieure de représentation de leur personnel.
Medef et CGPME dénoncent notamment des amendements qui, s'ils sont adoptés, donneront un rôle de médiation à ces commissions dans les conflits sociaux dans les TPE et l'accès aux locaux des entreprises, avec l'accord des employeurs.
Des amendements déposés par des élues militantes des droits des femmes proposent d'inclure dans leurs compétences les questions d'égalité professionnelle et de favoriser la parité dans les instances représentatives du personnel (IRP).
L'examen en première lecture du projet de loi par les députés devrait s'achever samedi. L'Assemblée se prononcera par un vote solennel sur l'ensemble du projet de loi le 2 juin.
Les groupes socialistes et radicaux de gauche soutiennent ce texte. Les écologistes, qui y voient de "nombreuses avancées", devraient aussi le voter. Ce qui paraît assurer son adoption.
En revanche, le Front de gauche votera contre ce texte qui comporte, selon lui, "de véritables reculs". UMP (droite) et UDI (centristes) y sont également hostiles.
Ce projet de loi "était creux et inutile, il est devenu dangereux", a ainsi déclaré Christian Jacob, président du groupe UMP, après l'ajout d'amendements en commission.
François Rebsamen a annoncé mardi qu'il allait en déposer d'autres visant à simplifier le compte pénibilité, dont la mise en oeuvre a été reportée au 1er juillet 2016. Quant à l'ex-ministre socialiste Benoît Hamon, il a dit vouloir faire reconnaître le "burn-out" comme maladie professionnelle.
Le Sénat examinera à son tour ce texte en juillet. Le gouvernement ayant décidé d'utiliser la procédure "accélérée" qui réduit le nombre de navettes entre les deux assemblées, il pourrait être définitivement adopté en septembre.
(Emile Picy, édité par Emmanuel Jarry)