HONG KONG/SHENZHEN, Chine (Reuters) - Des centaines de membres des forces paramilitaires chinoises ont participé jeudi à des manoeuvres très médiatisées à Shenzhen, de l'autre côté de la frontière avec Hong Kong, faisant craindre que le gouvernement central chinois pourrait s'apprêter à intervenir contre le mouvement de contestation qui ébranle la "région administrative spéciale".
Ces derniers jours, le pouvoir central a qualifié les manifestations de "quasi-terrorisme".
Une centaine de véhicules militaires, dont des blindés, ont été vus aux abords d'un stade de Shenzhen tandis que des paramilitaires de la Police armée du peuple (PAP) marchaient en formation.
A Londres, l'ambassadeur de Chine a déclaré jeudi que les événements en cours depuis plus de deux mois constituaient le plus grave défi depuis la rétrocession, en 1997, et que les manifestants radicalisés menaçaient le principe "un pays, deux systèmes".
Cette formule fixe la souveraineté chinoise sur Hong Kong tout en garantissant le maintien de l'autonomie et des libertés civiles dans l'ancienne colonie britannique.
"Le gouvernement central chinois ne laissera jamais quelques criminels violents entraîner Hong Kong sur une route dangereuse, vers des abysses dangereuses", a prévenu Liu Xiaoming.
Le Global Times, journal tabloïd nationaliste appartenant au Quotidien du Peuple, l'organe officiel du Parti communiste, a diffusé cette semaine une vidéo montrant des colonnes de blindés et de camions roulant dans Shenzhen.
Son rédacteur en chef, Hu Xijin, a souligné que ces manoeuvres constituaient un "avertissement clair aux émeutiers de Hong Kong".
Véhicules militaires garés jeudi aux abords du stade de la Baie de Shenzhen. REUTERS/Thomas Peter
LES INQUIÉTUDES DE WASHINGTON
A mesure que la contestation s'installe dans la durée, le territoire est le théâtre d'incidents violents de plus en plus nombreux, et la tension est encore montée d'un cran cette semaine avec l'occupation de l'aéroport international qui a conduit à une suspension partielle du trafic aérien, lundi et mardi. Un millier de vols ont été annulés.
Depuis le début du mouvement, en juin, la police de Hong Kong a interpellé 748 personnes, dont 17 pour la journée de mercredi.
Lors d'une conférence de presse, la police hongkongaise a également indiqué avoir relevé 76 encerclements ou attaques contre des commissariats ou des postes de police depuis le début de la contestation.
A Washington, le département américain d'Etat s'est dit profondément inquiet par les informations faisant état d'une concentration de forces de la police chinoise près de la frontière hongkongaise.
Il a prévenu que toute dégradation de l'autonomie dont dispose l'ancienne colonie britannique mettrait en péril le statut commercial préférentiel dont jouit Hong Kong vis-à-vis des Etats-Unis.
Sur Twitter, Donald Trump a déclaré mercredi que la Chine souhaitait conclure un accord commercial avec les Etats-Unis mais que la priorité actuelle de Pékin devait être la question de Hong Kong, le président américain demandant au pouvoir chinois un dénouement "humain" à la crise dans la région administrative spéciale.
"Bien sûr que la Chine veut conclure un accord commercial", a écrit le président américain. "Laissons les d'abord travailler humainement avec Hong Kong !", a-t-il ajouté. "J'ai ZÉRO doute sur le fait que si le président Xi veut résoudre rapidement et humainement le problème à Hong Kong, il peut le faire. Entretien personnel ?"
A Paris, le ministère français des Affaires étrangères a appelé mercredi soir toutes les parties à renouer le dialogue afin de trouver une issue pacifique à la crise.
De nouvelles manifestations étaient programmées ce jeudi en différents points de Hong Kong, avec notamment un rassemblement d'enseignants.
Les activistes du Front civique des droits de l'homme, à l'origine des grandes manifestations du mois de juin qui ont réuni plusieurs millions de personnes, ont prévu un nouveau rassemblement pour dimanche.
(Farah Master avec Greg Torode, Donny Kwok, Noah Sin, Kevin Liu et Twinnie Siu à Hong Kong, Estelle Shirbon à Londres et Brenda Goh à Shenzhen; Henri-Pierre André pour le service français)