PARIS (Reuters) - Alain Juppé est parti lundi à l'assaut des positions défendues par François Fillon, dont le programme économique est selon lui "d'une très grande brutalité sociale" et la conception de l'organisation de la société "traditionaliste".
Au lendemain du premier tour de la primaire de la droite, qui a vu l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy devancer de 16 points l'ex-favori des sondages, le maire de Bordeaux n'a pas pris de gants pour critiquer son concurrent, à six jours du rendez-vous crucial de dimanche prochain.
"Je n'ai jamais hésité une seconde à continuer le combat", a-t-il déclaré sur France 2, démentant la rumeur selon laquelle il avait envisagé de renoncer dimanche soir.
"Je vais mettre toute la gomme", a-t-il ajouté en disant attendre "beaucoup du prochain débat" télévisé de jeudi.
Il a estimé que le ralliement de Nicolas Sarkozy, battu dimanche, à François Fillon ne relevait pas du hasard.
"Ce qu'on voit aujourd'hui, c'est la reconstitution de l'équipe Fillon-Sarkozy qui nous a dirigé de 2007 à 2012", a souligné celui qui a été ministre de la Défense et des Affaires étrangères pendant cette période.
"Quand on reste pendant cinq ans Premier ministre d'un président de la République, c'est qu'on est totalement comptable évidemment de ce qui a été fait."
"BRUTALITÉ SOCIALE"
"Sur le plan économique, son programme est d'une très grande brutalité sociale. Supprimer 500.000 emplois de fonctionnaires, porter la durée du travail dans la fonction publique dès 2017 à 39 heures, augmenter la TVA de 16 milliards d'euros sont des mesures d'une certaine brutalité dont certaines sont inapplicables", a-t-il poursuivi.
"Rupture, ça ne doit pas consister à casser la baraque, la baraque est fragile, il faut faire des réformes (...), les miennes sont aussi audacieuses mais elles sont réalistes et elles sont crédibles."
Le maire de Bordeaux a également décliné ses critiques à l'encontre du programme "peu crédible" de son rival dans un entretien à paraître mardi dans Le Figaro, le jugeant notamment "imprudent" en matière de gestion des finances publiques.
"Malgré son cri d'alarme sur la faillite de l'État en 2007, François Fillon envisage de laisser glisser les déficits jusqu'à 4,7 % du PIB", relève-t-il en prévenant qu'"on ne pourra pas se contenter d'en faire porter la responsabilité à François Hollande".
L'autre angle d'attaque est sociétal.
"François Fillon appartient à une famille traditionaliste, moi je suis plus ouvert au modernisme, je me sens plus proche du pape François que de Sens commun ou de la Manif pour tous (les mouvements contre le mariage homosexuel-NDLR)", a estimé Alain Juppé sur France 2 en critiquant les "ambiguïtés" de son rival sur le droit à l'avortement.
Interrogé au même moment sur TF1 (PA:TFFP), François Fillon a répliqué : "On est manifestement dans une caricature, dans une tentative pour essayer de remonter la pente."
Alain Juppé se juge aussi mieux placé que François Fillon "pour faire échec à Marine Le Pen".
"La grande question que doivent se poser nos électrices ou nos électeurs, c'est de savoir [qui est] celui qui sera le mieux à même de rassembler pour barrer la route au Front national d'un côté et naturellement faire échec à la gauche qui n'est pas morte, contrairement à ce qu'on dit", a-t-il conclu sur France 2.
Un argument qu'il relaie également dans Le Figaro, en mettant en avant ses soutiens chez les centristes, faisant référence sans les nommer au président du MoDem François Bayrou et de l'UDI Jean-Christophe Lagarde.
"Je suis le seul à pouvoir rassembler, demain, la droite et les centres pour permettre l'alternance en 2017", dit-il en ajoutant "Mes concurrents me l'ont suffisamment reproché, je crois!"
(Yves Clarisse et Myriam Rivet, édité par Tangi Salaün)