La couverture complète du territoire français en internet à haut et très haut débit fixe, que le gouvernement a fixée à l'horizon 2022, prendra plus de temps que prévu et nécessitera près de 15 milliards d'euros d'investissements supplémentaires, a prévenu la Cour des comptes.
Si l'objectif intermédiaire d'une couverture de 50% des foyers et locaux professionnels en 2017 sera bien atteint, selon les sages de la rue Cambon, ils doutent en revanche, dans un rapport publié mardi, que la cible finale d'une couverture à 100% du territoire en très haut débit fixe d'ici 2022, dont 80% en fibre optique, soit atteinte dans les temps et avec le budget imparti.
Par rapport aux autres pays de l'UE, la France se distingue par une couverture en haut débit (du type ADSL) "satisfaisante, mais inégale", et surtout "par un retard prononcé en très haut débit", note le rapport.
Ainsi, seuls 45% des foyers français sont couverts en très haut débit (au moins 30 mégabits par seconde, ce qui nécessite une connexion à la fibre optique, au câble ou au VDSL2, version très améliorée de l'ADSL), contre une moyenne européenne de 71%.
"Le plan +France très haut débit+ vise à rattraper ce retard, mais il s'annonce plus long et plus coûteux que prévu", prévient la Cour des comptes, qui dresse un premier bilan de cette initiative lancée en février 2013.
Selon elle, "les 20 milliards d'investissements publics et privés annoncés seront de facto largement dépassés et le programme d'équipement se déroulera sur une période bien plus longue", d'autant qu'à la mi-2016, un peu plus de 7 millions de logements attendaient encore d'être raccordés à la fibre optique en zone d'initiative publique et 14,2 millions en zone d'initiative privée.
- Une facture de 35 milliards -
En cause notamment, le coût du raccordement final de l'abonné, qui n'a pas été pris en compte par le gouvernement, mais aussi des travaux complémentaires pour raccorder 7 millions de foyers en zone d'initiative publique qui s'étendront au-delà de 2022 alors que "de nombreux schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique ont adopté des échéances pouvant aller jusqu'à 2030", souligne le rapport.
"Sans aucun dérapage de coûts, la Cour considère ainsi que l'estimation totale de l'ordre de 35 milliards d'euros est plus proche de la réalité des investissements" qui seront réalisés d'ici 2030, conclut le rapport.
L'essentiel de ces investissements, soit près de 24 milliards d'euros, concerneront les zones d'initiative publique alors que le coinvestissement privé, anticipé à hauteur de trois milliards, n'a atteint pour le moment qu'un milliard.
"La France ne peut pas faire l'économie d'une politique ambitieuse de déploiement des réseaux à très haut débit, donc d'une infrastructure nouvelle garantissant la possibilité de produire des débits de plus en plus élevés (de 100 Mbits/s à plusieurs gigabits)", a réagi l'autorité de régulation des télécoms (Arcep), dans sa réponse à la Cour.
Estimant que "les sommes en jeu pour le déploiement" de la fibre jusqu'à l'abonné semblent "raisonnables", le gendarme des télécoms juge que "les objectifs nationaux (...) d'une couverture à 100% en très haut débit en 2022, avec une large part de réseaux FttH (fibre optique jusqu'au domicile, NDLR), ne devraient pas être revus à la baisse".
Pour un meilleur contrôle du budget et de l'échéance de son plan, la Cour des comptes recommande pourtant au gouvernement d'accorder plus de place aux technologies alternatives en zone d'initiative publique et de davantage prendre en compte les besoins réels des usagers en introduisant un objectif de haut débit minimal pour tous.
"Nous sommes en train de débloquer des fréquences pour permettre aux collectivités d'utiliser des technologies alternatives à la fibre, notre démarche est de le permettre", a souligné le président de l'Arcep, Sébastien Soriano, devant des députés.
Mais les collectivités ne l'envisagent pas nécessairement. Dans un communiqué, l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca) rejette ainsi l'idée de "moins recourir à la fibre", qu'elle voit comme "la seule infrastructure pérenne pour plusieurs dizaines d'années" et qualifie les options alternatives de "solutions moins ambitieuses".