La chancelière Angela Merkel a critiqué avec férocité vendredi le "faux débat" entre croissance et rigueur, révélant les divergences encore profondes de la zone euro avant un scrutin grec à haut risque dimanche et une réunion du G20 lundi.
La journée a été marquée par une joute verbale opposant Berlin et Paris.
Attaquée de toutes parts et particulièrement en France pour sa défense de l'austérité, Angela Merkel a déploré devant la fédération des entreprises familiales un "manque de confiance entre les acteurs" de la zone euro.
"Il y a un faux débat qui est apparu, opposant la croissance et la rigueur budgétaire. C'est n'importe quoi", a-t-elle tempêté.
Elle a répété que l'Allemagne "ne se laissera pas convaincre par des solutions rapides comme les euro-obligations" ou l'introduction d'un fonds commun de garanties bancaires en Europe.
"Le danger des propositions précipitées de mutualisation" de la dette est d'occulter les différences de niveau économique en nivellant les taux d'emprunt des Etats, a-t-elle averti. "Celui qui ne veut pas voir cette réalité fait le choix de la médiocrité. Et la médiocrité ne doit pas devenir l'étalon" en zone euro, s'est emportée Mme Merkel, qui semblait viser Paris.
La veille, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault avait reproché à celle qui mérite plus que jamais son surnom de "Madame Non" ses "formules simplistes", tandis qu'un autre membre du gouvernement français a dénoncé son "aveuglement idéologique".
Face aux divisions politiques, les marchés voient désormais leur salut dans une éventuelle action concertée des banques centrales internationales, ce qui a soutenu les Bourses vendredi. Francfort a gagné 1,48%, Paris 1,82% et Londres 0,22%.
Le chef du gouvernement italien Mario Monti, qui se présente souvent comme un médiateur entre le camp de la relance et celui de la rigueur, a annoncé vendredi un plan de privatisations de 10 milliards d'euros pour alléger la dette colossale du pays.
Il a annoncé dans le même temps un programme de croissance qui prévoit d'injecter dans le circuit économique de 70 à 80 milliards d'euros de ressources publiques et privées.
Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, a assuré que son institution allait "continuer de jouer le rôle crucial de fournir des liquidités aux banques solvables quand c'est nécessaire".
Pour tenter peut-être de remédier aux divisions politiques, le président de l'Union européenne Herman Van Rompuy organisait vendredi à 16H00 (14H00 GMT) une conférence vidéo avec les dirigeants allemand, français, britannique et italien, afin de préparer la réunion des vingt premières puissances économiques mondiales organisée lundi et mardi à Los Cabos (Mexique).
Il y a urgence pour les Européens à serrer les rangs, alors qu'ils seront sous pression au G20 pour remettre l'économie de la région sur les rails, au lendemain d'un dimanche de tous les dangers.
La Grèce retourne aux urnes dimanche pour des élections générales dont l'issue fait craindre que le pays se retrouve en défaut de paiement et doive sortir de l'euro.
Le gouvernement autrichien a assuré vendredi qu'il n'accepterait aucune renégociation des réformes imposées à Athènes en échange de l'aide internationale.
Fait rarissime, le quotidien Financial Times Deutschland a pris parti dans l'élection grecque et donné une consigne de vote en faveur des conservateurs qui a suscité de vives protestations à Athènes. Dans un double éditorial de Une, rédigé en grec et en allemand, le journal a appelé à "résister à la démagogie d'Alexis Tsipras", leader de la gauche radicale.
La gauche radicale grecque a dénoncé une "intervention sans précédent, qui offense la dignité nationale et cherche à saper la démocratie" en Grèce. Même ton à droite: "Nous sommes un peuple fier (...) nous ne voulons pas de consignes", a déclaré le porte-parole du parti conservateur Nouvelle Démocratie.
Un porte-parole du gouvernement allemand a cependant souligné que Mme Merkel ne "donnait pas de conseil de vote".