Pressés par Mario Monti, les députés italiens ont entériné mercredi la réforme du marché du travail pour permettre au chef du gouvernement de se rendre jeudi au sommet de Bruxelles avec cette mesure-phare en poche et rassurer ainsi ses partenaires européens.
Le texte a été adopté définitivement vers 16H45 GMT avec une majorité écrasante de 393 voix tandis que 74 députés ont voté contre et 46 se sont abstenus. Avant cela, le gouvernement avait remporté successivement quatre votes de confiance sur chacun des articles de la réforme.
Après un premier feu vert au Sénat le 31 mai, M. Monti avait demandé la semaine dernière au Parlement "d'accélérer" l'examen de la réforme afin que les dirigeants européens puissent "prendre acte" de "l'adoption de cette importante réforme structurelle".
L'Italie se retrouve sous pression des marchés comme l'a encore prouvé le bond de ses taux d'emprunt lors d'une émission obligataire à court terme mercredi.
"La réforme n'est pas exactement celle que nous aurions voulue" mais "nous attendons du sommet européen des résultats et c'est pour cela que nous voulons permettre à Monti d'aller" à Bruxelles "avec la réforme adoptée", a souligné le leader du PDL (droite, parti de Silvio Berlusconi) Angelino Alfano.
Afin d'arracher l'adoption de sa réforme, l'ancien commissaire européen a donc dû passer un marché avec sa "majorité étrange", comme elle est surnommée dans la péninsule, en promettant de résoudre rapidement certains "problèmes" soulevés par les partis qui le soutiennent.
Alors que droite et gauche ont déjà imposé des modifications au Sénat, certains aspects de la réforme devront donc subir d'autres corrections, juste après son adoption par les députés.
Le PDL réclame plus de flexibilité pour embaucher à temps déterminé tandis que le PD (principale force de gauche) exige des modifications sur l'assurance chômage et exige en outre une solution pour les milliers de personnes qui vont se retrouver sans indemnités de chômage ni pension à cause de la réforme des retraites de décembre dernier.
Priorité de M. Monti depuis son arrivée au pouvoir en novembre, cette réforme, inspirée du modèle de "flexi-sécurité" à la danoise, vise à rendre le marché du travail plus flexible en facilitant les licenciements économiques, à travers la réforme de l'article 18 du Statut des travailleurs, à réduire la précarité et à favoriser l'embauche des jeunes à travers l'apprentissage.
Le manque de flexibilité et la "dualité" du marché du travail entre salariés trop protégés et précaires sont considérés par les économistes comme l'une des raisons de la faible productivité et de la croissance atone qui minent le pays depuis de nombreuses années.
Cette réforme remet en outre à plat l'assurance chômage en créant à partir de 2017 un seul système pour tous les salariés, alors que nombre d'entre eux en sont privés actuellement.
Présentée en mars au Parlement, après une négociation serrée avec les partenaires sociaux, elle se heurte toujours à la vive opposition du principal syndicat italien, la CGIL, tandis que le patronat juge qu'elle ne facilite pas suffisamment les licenciements.
Malgré les "compromis" qui ont empêché le gouvernement d'aller aussi loin qu'il le souhaitait notamment sur les licenciements, cette réforme est "très importante", "un pas en avant" alors que "personne ne s'y était attaqué depuis dix ans", analyse Chiara Corsa, économiste de la banque UniCredit.
Maurizio Del Conte, professeur de droit du travail à l'Université Bocconi de Milan, juge en revanche qu'elle n'amène "aucune nouveauté substantielle" et qu'elle "ne sera pas en mesure de relancer l'emploi" alors que le chômage est à un niveau record, au-dessus de la barre symbolique des 10%.