Le Médiateur national de l'énergie a relancé mardi son appel à la création d'un "chèque énergie", un dispositif qui serait doté d'au moins un milliard d'euros et remplacerait les tarifs sociaux, afin de muscler la lutte contre la précarité énergétique, qui ne cesse de s'étendre en France.
"Malgré l'amélioration des dispositifs d'aide, la précarité énergétique s'aggrave": c'est le constat implacable que dresse le rapport annuel du Médiateur, instance créée il y a six ans pour accompagner les consommateurs face à l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz.
Dans son rapport annuel publié mardi, le Médiateur a confirmé la montée de ce phénomène (défini comme la difficulté à régler les factures d'énergie), qui frappe environ 8 millions de personnes en France.
Ainsi, l'an dernier, 18% des dossiers traités par le médiateur concernaient des difficultés de paiement, avec une dette moyenne supérieure à 1.900 euros, contre 15% en 2011. La situation s'est encore aggravée cet hiver: le quart des dossiers reçus depuis janvier relevaient de difficultés de paiement, avec un pic à 34% en mars.
Le Médiateur rappelle au passage que, selon son enquête annuelle auprès des consommateurs, 11% des foyers "reconnaissent avoir rencontré des difficultés pour payer certaines factures d'électricité ou de gaz et 42% affirment avoir restreint leur chauffage au cours de l'hiver dernier pour éviter des factures trop élevées".
Enfin, les coupures, résiliations de contrats et autres restrictions d'électricité ou de gaz pour cause d'impayés ont grimpé à 580.000 l'an dernier (400.000 dans l'électricité et 180.000 dans le gaz), contre 500.000 en 2011.
"Il y a urgence à prendre le problème à bras le corps. L'énergie est un bien essentiel, qui doit être payé à son juste prix par ceux qui le peuvent, mais dont l'accès doit être garanti aux plus vulnérables dans des conditions économiques acceptables", a souligné le Médiateur Denis Merville, dont le mandat - non renouvelable - s'achève en novembre.
Davantage de visibilité sur les prix
Pour commencer, il réclame des pouvoirs publics plus de "visibilité" sur les prix de l'énergie, avec des hausses de l'électricité planifiées sur plusieurs années, plutôt que d'y surseoir au nom du pouvoir d'achat, ce qui finit toujours par des rattrapages "inopinés".
Il estime à ce titre qu'il faudrait augmenter les tarifs de l'électricité d'environ 5% par an cette année et les deux suivantes, en s'appuyant notamment sur des estimations au début du mois de la Commission de la régulation de l'énergie (CRE).
Mais parallèlement, pour aider les plus fragiles, il relance l'idée d'un dispositif "chèque énergie", qui serait doté de plus d'un milliard d'euros et remplacerait les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz.
Comme ces derniers, il serait financé par les consommateurs, et pour plus de simplicité, il pourrait être couplé à l'APL (aide personnalisée au logement).
Le Médiateur juge les tarifs sociaux imparfaits et insuffisants, notamment parce qu'ils sont faibles (moins de 200 millions d'euros par an) et laissent certaines énergies de côté (fioul, bois, réseaux de chaleur...), .
Ainsi, la loi Brottes sur l'énergie a étendu en avril à plus de 4 millions de ménages (soit 8 millions de personnes) ces tarifs sociaux, mais le Médiateur estime que cela ne sera pas mis en oeuvre à temps pour l'hiver prochain ni sans doute le suivant, du fait d'entraves administratives et techniques.
La ministre de l'Ecologie et de l'énergie, Delphine Batho, a réagi en assurant dans un communiqué que "l'élargissement des tarifs sociaux de l'énergie est une priorité absolue pour le gouvernement", et que "les lenteurs administratives et les problèmes techniques (...) ne sont pas acceptables".
C'est pourquoi elle dit avoir "confié une mission d'audit à l'Observatoire de la précarité énergétique (...) dont les conclusions seront remises le 15 juillet".
Enfin, le Médiateur, tout en saluant la généralisation de la trêve des coupures d'énergie en hiver, propose aussi d'instaurer un "fournisseur de dernier recours", comme cela existe déjà dans la banque ou les télécoms, pour les ménages dont les contrats ont été résiliés.
Actuellement, ils n'ont souvent pas d'autre choix que de mentir sur leur situation (en donnant un autre nom, ou en prétendant avoir déménagé) pour réussir à se réabonner.