PARIS (Reuters) - Reconnaissant des "dysfonctionnements" et une "faillite collective", le gouvernement français a présenté lundi quarante mesures visant à améliorer la réponse apportée aux violences faites aux femmes, sans toutefois leur consacrer un budget à la hauteur des attentes des associations.
Selon le ministère de l’Intérieur, 121 femmes sont mortes en 2018 en France, victimes de violences conjugales, un chiffre qui aurait déjà été dépassé en 2019 selon un collectif citoyen qui a dénombré plus de 130 femmes tuées depuis le 1er janvier par leur conjoint ou leur ex-conjoint.
Cette situation et l'inertie dont certaines associations accusent les gouvernements successifs ont conduit plusieurs dizaines de milliers de personnes à manifester samedi à Paris et dans plusieurs grandes villes pour dire "Stop" aux violences sexistes et sexuelles et réclamer "un milliard".
Du "Grenelle" lancé en septembre, le gouvernement a retenu 40 mesures dont la création d'ici 2021 de 80 postes supplémentaires d’intervenants sociaux dans les commissariats et les brigades - contre 271 actuellement.
La ligne d'écoute dédiée aux victimes de violences conjugales - 3919 - fonctionnera désormais "24 heures/24 et 7 jours sur 7 ", la suspension de l'autorité parentale du père agresseur en cas d'homicide conjugal sera automatique et l'obligation alimentaire, qui contraint les enfants à subvenir aux besoins de leur père, y compris quand celui-ci a assassiné leur mère, sera supprimée.
Une dérogation au secret médical en "cas d’urgence absolue où il existe un risque sérieux de renouvellement de violence" sera désormais possible. Un appel à projets va par ailleurs être lancé en vue de la création de deux centres de prise en charge des hommes violents dans chaque région. La notion d'"emprise" sera en outre inscrite dans les Codes civil et pénal.
Devançant les critiques récurrentes des associations sur le manque de budget - comparé à l'Espagne qui consacre à ce problème un milliard d'euros sur cinq ans -, le Premier ministre, Edouard Philippe, a assuré que les financements étaient "massifs" et bénéficieraient "aux victimes et à tous ceux qui leur portent assistance".
L'an prochain, le gouvernement consacrera 360 millions d'euros à la lutte contre les violences faites aux femmes.
"Ces crédits ne tiennent pas compte des dispositifs qui vont bénéficier aux victimes de violences, comme les "espaces rencontres" auxquels sera dévolu un financement complémentaire de 30 millions d’euros d’ici 2022.
Des arguments qui n'ont pas convaincu Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes.
"On n'a pas réussi à convaincre le gouvernement que c'était une situation exceptionnelle et qu'il fallait y répondre de manière exceptionnelle", a-t-elle dit à la presse.
"On a corrigé des aberrations, on a fixé des rustines, mais la porte était close dès qu'il s'agissait de mettre des moyens supplémentaires", a-t-elle regretté.
(Marine Pennetier, édité par Sophie Louet)