PARIS (Reuters) - L'Assemblée nationale a mis en place jeudi une mission sur "le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate", herbicide controversé que la France espère faire disparaître des champs et des jardins à l'horizon 2020-2021.
Présidée par le député (Les Républicains) Julien Dive, avec les élus (La République en marche) Jean-Baptiste Moreau et Jean-Luc Fugit comme rapporteurs, cette mission conjointe aux commissions des Affaires sociales, économiques et du Développement durable conduira une série d'auditions publiques.
Sa création intervient à quelques jours de la lecture définitive à l'Assemblée de la loi "alimentation et agriculture", dite Egalim, dont l'élaboration a donné lieu à de vifs débats sur la question du glyphosate, principale substance de l'herbicide Roundup de Monsanto (NYSE:MON) soupçonné d'avoir un effet cancérogène et dévastateur pour la biodiversité.
Au grand dam des défenseurs de l'environnement, les législateurs ont finalement renoncé à inscrire dans cette loi la sortie du glyphosate d'ici trois ans, comme s'y est engagé Emmanuel Macron.
Le sujet fait débat au sein de La République en marche, où nombre de militants ont été choqués par la récente démission, sur un aveu d'impuissance, du ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot.
Jeudi, LaRem s'est félicitée dans un communiqué de l'installation de la mission parlementaire qui sera "l’occasion d’identifier les impasses techniques et d’aller au plus près des acteurs de terrain pour parvenir à atteindre l'objectif fixé."
"Je vous le dis : ce sera trois ans", a promis mercredi soir le délégué général du mouvement, Christophe Castaner, dans son discours de lancement de la campagne pour les élections européennes de mai 2019.
"Arrêtons de nous leurrer", a poursuivi le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. "Ce n'est pas par amendement parlementaire que l'on change un modèle agricole. C'est par la recherche, c'est par la discussion, c'est par le partenariat, c'est par le respect de celles et ceux qui sont les premières victimes du glyphosate : les agriculteurs eux-mêmes."
PLAINTES DEVANT LA JUSTICE
Cet été, les ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique ont réuni à Paris une soixantaine d'acteurs (syndicats agricoles, industriels, distributeurs, coopératives, chambres d’agriculture, instituts de recherche) de ce dossier embarrassant pour le gouvernement. Ils ont annoncé la création d’un centre de ressources "d’ici la fin de l’année" pour rendre accessible à l’ensemble de la profession agricole les solutions existantes pour sortir du glyphosate, un produit encore massivement utilisé en France.
Les pays de l'Union européenne ont voté de justesse en novembre en faveur du renouvellement pour cinq ans de l'autorisation de l'herbicide. La France a pour sa part fait savoir que le produit serait interdit sur son sol d'ici trois ans mais n'a pas exclu une dérogation pour les "10%" de cas où il n'y aurait pas d'alternative pour les agriculteurs français."
Au chapitre judiciaire, une soixantaine de plaintes pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "atteinte à l'environnement" vont être déposées d'ici mi-octobre devant le tribunal de Foix (Ariège) contre différents fabricants du glyphosate, s'ajoutant à huit autres déjà enregistrées en juin devant la même juridiction.
Selon Bayer (DE:BAYGN), le nombre de plaintes déposées aux Etats-Unis contre Monsanto, qu'il vient de racheter, s'établissait à 8.000 à fin juillet. En août, un jury californien a considéré que le Roundup était à l’origine du cancer d’un agent d’entretien, et a condamné Monsanto à lui verser 289 millions de dollars.
L’agence américaine de protection de l’environnement a conclu en 2017 que le glyphosate n’était probablement pas cancérogène pour les humains. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pour sa part classé dès 2015 la molécule parmi les produits "probablement cancérogènes pour les humains".
(Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)