Le FMI a sorti l'artillerie lourde contre l'Argentine, accusée de tronquer ses statistiques économiques, et adopté vendredi, pour la première fois de son histoire, une "déclaration de censure" qui pourrait valoir au pays une exclusion de l'institution.
Depuis juillet 2011, l'Argentine est dans le collimateur du Fonds qui l'accuse de manipuler ses données sur la croissance et l'inflation, en violation des obligations faites à ses Etats membres.
Ses chiffres officiels de 2012 faisaient état d'une inflation à 10,8% alors que les instituts privés l'évaluaient à plus du double (25,6%).
Après plusieurs ultimatums et des échanges d'amabilités, le conseil d'administration du Fonds, qui représente ses 188 Etats membres, a jugé vendredi que les progrès de l'Argentine n'étaient "pas suffisants" et a enjoint au pays de rectifier le tir de toute urgence.
"Le conseil d'administration appelle l'Argentine à adopter sans délai les mesures visant à corriger les inexactitudes" de ses statistiques et à se conformer aux "standards internationaux", a indiqué son communiqué, qui fixe un nouvel ultimatum à septembre prochain.
En cas de nouvelle impasse, l'Argentine s'exposerait alors à une série de sanctions graduelles: le pays pourrait d'abord être privé de prêts du Fonds, puis se voir retirer ses droits de vote au sein de l'institution de Washington, avant d'en être tout simplement exclu.
Depuis la création du Fonds en 1944, seule la Tchécoslovaquie a connu pareil sort, en 1954, alors qu'elle était sous domination soviétique et que la Guerre froide battait son plein.
Plus récemment, l'Etat-paria du Zimbabwe est passé tout près de la sanction suprême en raison d'arriérés de paiements qu'il devait au FMI. Ses droits de vote avaient été suspendus en 2003 avant d'être rétablis sept ans plus tard.
C'est toutefois la première fois que le FMI adopte une "déclaration de censure", qui est le processus prévu dans ses statuts en cas de différend sur les statistiques.
"Diable"
Quelle qu'en soit l'issue, ce nouvel épisode ne va pas arranger l'état exécrable des relations entre l'Argentine et le FMI.
Les autorités de Buenos Aires tiennent l'institution de Washington pour responsable de la faillite du pays en 2001, qui a ouvert une période de profond marasme économique.
L'ancien directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, avait en 2007 lui-même admis que le Fonds faisait parfois figure de "diable" dans le pays et qu'il y avait des "raisons à cela".
Dès 2006, l'Argentine a d'ailleurs pris soin de rembourser l'intégralité de sa dette au FMI et limite au minimum sa coopération avec l'institution.
Mardi, le Fonds a calculé que Buenos Aires refusait depuis "62 mois" les évaluations annuelles auxquelles sont traditionnellement soumis ses Etats membres.
Fin septembre, la question des statistiques avait donné lieu à une passe d'armes par médias interposés entre le FMI et l'Argentine.
La directrice générale du Fonds, Christine Lagarde, s'était dit prête à brandir un "carton rouge" contre Buenos Aires, s'attirant les foudres de la présidente argentine Cristina Kirchner qui avait fustigé cette référence sportive et assuré que son pays ne céderait à "aucune menace".