L'Espagne comptait près de 26% de chômeurs au troisième trimestre, un taux en baisse mais toujours l'un des plus élevés dans la zone euro après la Grèce, signe de la crise sociale qui persiste malgré le retour du pays à une timide croissance.
A la fin septembre, le taux de chômage en Espagne atteignait 25,98%, en légère baisse, pour le deuxième trimestre consécutif, a annoncé jeudi l'Institut national de la statistique, soulignant que le recul observé sur ces trois mois est le plus important depuis le début de la crise en 2008.
Pourtant, le chômage reste le principal point noir de l'économie espagnole, qui devrait renouer avec la croissance après neuf trimestres consécutifs de baisse. "Les résultats du troisième trimestre confirment que le pire est derrière nous, mais que le meilleur se fera attendre", résument les analystes de la banque BBVA.
L'Espagne comptait fin septembre 5.904.700 chômeurs, soit 72.800 de moins qu'au trimestre précédent, lorsque le chômage avait baissé pour la première fois depuis deux ans, à 26,26%.
Des résultats "modérément positifs", soulignait jeudi le ministère de l'Economie, tandis que 39.500 emplois ont été créés durant ce trimestre.
Le syndicat UGT ne voit lui "aucune place pour l'optimisme" alors que sur un an, la tendance reste à la hausse, avec 126.700 demandeurs d'emploi supplémentaires et 497.100 emplois perdus.
54,39% des jeunes actifs
Et chez les plus jeunes, le chômage reste particulièrement élevé, puisqu'il touche 54,39% des actifs dans la tranche d'âge des 16-24 ans. En outre 1.807.700 foyers, sur un total de 17.391.900 foyers espagnols, ont tous leurs membres au chômage.
Par régions, le chômage monte jusqu'à 36,37% en Andalousie, dans le sud.
Pour Maria Angels Valls, professeur à l'école de commerce espagnole Esade, le léger mieux annoncé jeudi ne doit pas masquer le fait que "le marché du travail espagnol exclut une partie significative des travailleurs".
"54% de la réduction du chômage est due à la perte d'actifs, c'est-à-dire des personnes découragées qui ont quitté le marché du travail", analyse-t-elle.
La crise sociale reste donc profonde alors que le pays, frappé doublement en 2008 par l'éclatement de sa bulle immobilière et le début de la crise financière internationale, sort timidement de la récession dans laquelle il était plongé depuis la mi-2011.
Selon les prévisions de la banque centrale, qui devraient être confirmées par les chiffres officiels attendus le 30 octobre, l'Espagne a renoué au troisième trimestre avec une faible croissance de 0,1%. La reprise devrait pourtant rester modeste, avec un PIB attendu en baisse de 1,3% cette année puis en hausse de 0,7% en 2014, prévoit le gouvernement.
La croissance ne suffit pas à faire baisser le chômage
Ce retour à la croissance ne sera donc pas suffisant pour faire baisser le chômage de manière significative: il devrait atteindre 25,9% à la fin 2014, selon le gouvernement. La Commission européenne attend elle 26,4% l'année prochaine, le Fonds monétaire international (FMI) 27% et l'OCDE 28%.
La banque centrale soulignait d'ailleurs mercredi que "les perspectives toujours défavorables du marché du travail" empêcheront une reprise de la consommation à court terme.
Et si le gouvernement assure que le pays recommencera à créer de l'emploi au second semestre 2014, les analystes sont sceptiques: "La création nette d'emploi ne surviendra pas en Espagne avant 2016", calculait récemment Moody's Analytics.
Dans ce contexte, le gouvernement conservateur poursuit son effort de rigueur visant à économiser 150 milliards d'euros entre 2012 et 2014, et s'apprête à faire voter au Parlement un nouveau budget d'austérité mettant notamment à contribution les fonctionnaires et les retraités.
Les organisations humanitaires de leur côté s'inquiètent de l'impact social de la crise. L'organisation catholique Caritas a ainsi mis en garde ce mois-ci contre un "processus d'appauvrissement de la société espagnole".
Elle a souligné que plus de trois millions de personnes, dans ce pays de 47 millions d'habitants, vivent avec moins de 307 euros par mois, et que le taux de pauvreté, incluant les personnes ayant des revenus inférieurs à 7.355 euros par an, atteint 21,1%.