La défense de Guy Wildenstein, présenté par l'accusation comme le chef d'un clan de marchands d'art qui a "sciemment dissimulé" des milliards d'euros au fisc français, a plaidé la relaxe, seule réponse possible à une "fiction fiscale".
"Je pense qu'on a fabriqué une affaire pénale qui n'existe pas", a attaqué Hervé Témime qui assure, avec Eric Dezeuze, la défense du principal prévenu au terme de quatre semaines d'audience devant la cour d'appel de Paris.
Contre Guy Wildenstein, 72 ans, le ministère public a requis quatre ans d'emprisonnement, dont deux avec sursis, et une amende de 250 millions d'euros. L'accusation s'était attachée à démontrer comment l'empire d'une élite mondialisée a été "soustrait à l'impôt" sur les successions, en décortiquant le fonctionnement de chacun des "trusts", ces sociétés-écran logées à Guernesey et aux Bahamas qui abritent les actifs du clan: hôtels particuliers, pur-sang ou tableaux de maître.
Une lourde tâche alors qu'en 2017, les héritiers Wildenstein, leurs conseillers et leurs sociétés financières avaient bénéficié d'une spectaculaire relaxe générale. Tout en décrivant une "claire intention d'évasion patrimoniale et fiscale", le tribunal avait estimé ne pas disposer de preuves suffisantes pour les condamner et prédit que sa décision serait "incomprise du peuple français".
Demandant la confirmation de cette relaxe, la défense a pilonné cette déclaration en forme d'"excuse", estimant qu'il n'y avait pas plus d'élément légal que moral permettant de "reprocher quoi que ce soit à Guy Wildenstein".
"Votre rôle, c'est d'appliquer la loi et rien d'autre. Vous êtes le rempart contre la justice d'opinion", a tonné Me Témime.
"Guy Wildenstein est un résident fiscal américain, (...) il n'a jamais créé un trust, il déclare l'intégralité des trusts dont il est bénéficiaire au Trésor américain", a affirmé Me Dezeuze.
Pour l'administration fiscale, qui a adressé aux héritiers un redressement de plus d'un demi-milliard d'euros, la famille aurait dû déclarer les "trusts" après le décès en 2001 du patriarche Daniel, puis du fils aîné Alec en 2008, tous deux domiciliés fiscalement en France.
"N'importe quoi", a lancé Me Témime, dénonçant une enquête à charge. "Le juge d'instruction est tellement en avance sur son temps qu'il applique la loi avant qu'elle soit votée", a-t-il ironisé, rappelant que ce n'est qu'en 2011 qu'une loi - précisément dite "loi Wildenstein" - oblige à déclarer au fisc français ces sociétés-écran, propriétaires sur le papier des biens qui y sont logés.
Alors que, pour l'accusation, ces trusts sont des "vecteurs de la fraude" et les "trustee" - les hommes de confiance auxquels ils sont confiés - des "hommes de paille", la défense s'est attachée à expliquer que ces sociétés n'ont fait qu'abriter des actifs placés par le patriarche Daniel et dont ses enfants étaient "les bénéficiaires".
"On n'hérite pas d'un crime, d'un délit. Il n'y a pas de transmission de la fraude", a martelé Me Témime, déplorant qu'on réduise cette famille, qui raconte elle-même une "tranche d'histoire de l'art", à un "trust".
Les avocats sont revenus sur la "terrible guerre" engagée par Sylvia Roth, la veuve du patriarche Daniel, avant celle menée par la veuve d'Alec: une bataille de succession qui a en partie révélé l'étendue de la manne familiale: des centaines de toiles de maître - Caravage, Bonnard, etc. - mais aussi pur-sang et propriétés de rêve, dont le ranch kényan où fut tourné "Out of Africa". Sans que l'on parvienne jamais à dessiner les contours précis de cette fortune mondialisée.
Délibéré le 29 juin.