Le Brésil est plongé dans une récession historique et une profonde crise politique, et pourtant c'était plutôt une bonne idée d'investir dans la Bourse de la première économie d'Amérique latine en 2016.
Car malgré l'année turbulente qu'a traversée le pays, ses marchés ont enregistré leurs meilleurs résultats depuis plusieurs années, un paradoxe que les experts expliquent par la hausse des prix des matières premières.
La Bourse de Sao Paulo, plus importante de la région, a ainsi bouclé sa dernière séance de 2016 jeudi sur une hausse annuelle de 38,9%, sa première année dans le vert depuis 2012 (+7,4%).
Le principal indice de la Bourse pauliste, l'Ibovespa, caracole désormais à 60.227 points, bien loin des 43.349 de fin 2015, quant il avait terminé sur une baisse de 13%.
Pourtant 2016 n'a pas été de tout repos pour le Brésil : au terme d'une procédure controversée et de mois de tension politique et d'incertitudes, la présidente de gauche, Dilma Rousseff, a été destituée fin août.
Son remplaçant, le conservateur Michel Temer, a immédiatement lancé un sévère plan de rigueur, pendant que son propre gouvernement, comme une grande partie de l'élite politique, était éclaboussé par l'enquête sur le méga-scandale de corruption au sein du groupe Petrobras.
Attentifs au thriller politique et judiciaire qui se jouait sous leurs yeux, les investisseurs ont toutefois agi davantage en fonction du contexte extérieur.
"La Bourse (brésilienne) et le réal se sont distingués par rapport au reste des marchés mondiaux en 2016", explique à l'AFP André Perfeito, économiste en chef de la société de consultants Gradual Investimentos.
Mais "je ne pense pas que cela ait à voir avec des questions domestiques comme la crise politique ou l'"impeachment" de Mme Rousseff, qui ont aussi influé, mais plutôt avec les prix des matières premières, surtout du pétrole", ajoute-t-il.
Dans ce contexte, les actions des groupes minier Vale (+128,99% pour ses titres préférentiels), métallurgiques Gerdau (+189,16%) et Usiminas (+169%) ont été parmi les plus choyées en 2016... de même, étonnamment, que les actions préférentielles de Petrobras, qui ont bondi de 121,9% en un an.
- Incertitudes en 2017 -
"Le marché brésilien est beaucoup plus sensible aux variations externes car il est très grand. Le baril de Brent a pris plus de 50% en 2016 et, si l'on observe son évolution par rapport aux gains de la Bourse de Sao Paulo en dollars, ce sont deux graphiques très similaires", explique M. Perfeito.
Le réal aussi a connu une jolie année 2016, après avoir atteint son plus bas historique le 21 janvier, à 4,166 unités par dollar, avant de terminer jeudi à 3,252 par billet vert.
En douze mois, la monnaie brésilienne s'est appréciée de 21,49%, selon la société de consultants CMA.
Une hausse qui la situe comme la devise s'étant le plus valorisée face au dollar en 2016, loin devant le rand sud-africain, selon une étude de Gradual Investimentos, qui prévient que la tendance pourrait s'inverser l'an prochain.
"La moyenne des projections pour fin 2017 est à 3,50 réais (par dollar) et le consensus parmi les analystes internationaux est que l'arrivée de (Donald) Trump se traduira par un renforcement du dollar à cause de la réaction de la Fed aux ambitions fiscales du nouvel occupant de la Maison Blanche", estime le cabinet de consultants.
En plus de ces incertitudes externes, aggravées par la hausse des taux d'intérêt aux Etats-Unis et les doutes sur les prix du pétrole, le Brésil est confronté à ses propres soucis.
"Il y a un certain optimisme avec le nouveau gouvernement, mais toutes les réformes sont encore à leurs débuts et la question politique reste délicate à cause de l'opération Lava Jato (l'enquête autour de Petrobras, nldr)", note André Perfeito.
"On ne peut pas dire que les problèmes soient résolus".
Selon la dernière enquête auprès des investisseurs publiée par la Banque centrale, le marché attend une faible reprise de la croissance, d'à peine 0,5%, en 2017.
Cette année, le PIB devrait avoir chuté de 3,49%, après avoir perdu 3,8% en 2015, soit la pire récession pour le pays en plus d'un siècle.