Les exportations ont longtemps été le principal moteur de l'économie allemande, mais le vent semble tourner: l'an prochain, c'est la demande intérieure qui assurera l'essentiel d'une croissance qui va rester solide, sur fond de ralentissement de la demande mondiale.
Le ministre de l'Economie allemand Rainer Brüderle a annoncé jeudi tabler sur une croissance du Produit intérieur brut (PIB) de 1,8% en 2011.
Ce sera certes près de moitié moins que cette année, où d'après le gouvernement la première économie européenne devrait afficher 3,4% au compteur. Mais c'est plus que Berlin n'attendait encore en avril (1,6%), et plus que les pronostics établis par la Bundesbank (1,4%) ou encore le Fonds monétaire international (1,6%).
Sans se tarir, la demande pour les produits "Made in Germany" va ralentir, à l'unisson avec une économie mondiale qui montre par endroits des signes de faiblesse. C'est le cas aux Etats-Unis, au Japon ou encore dans certains pays européens.
A 8%, la croissance des exportations allemandes devrait être divisée par deux par rapport à un cru 2010 exceptionnel parce que bénéficiant d'un effet de rattrapage (+15%).
Mais l'Allemagne n'est plus dépendante de ses seules exportations: la demande allemande va croître de 1,3%, la consommation des ménages de 1,1%, prédit Berlin. La demande intérieure "est maintenant la plus forte composante économique", s'est félicité M. Brüderle, relevant qu'elle assurerait l'an prochain "les trois quarts de la croissance".
C'est bien le commerce extérieur qui a fait sortir la tête de l'eau à l'économie allemande, très touchée par la crise qui a amputé son PIB de près de 5% en 2009. Machines-outils, produits chimiques et voitures allemandes ont rapidement trouvé à nouveau preneur sur les marchés mondiaux.
Mais dans la foulée, "le cycle des investissements, de l'emploi et de la consommation a pris le relais", relevait mercredi le président de la fédération des chambres de commerce et d'industrie allemande DIHK, Martin Wansleben.
Le sondage d'automne réalisé par la DIHK auprès de ses membres montre que "les entreprises continuent à augmenter leurs budgets d'investissement", particulièrement dans l'industrie, a-t-il ajouté.
Les ménages allemands, réputés pour leur fort taux d'épargne, lâchent les cordons de leur bourse. Ils affichaient à fin septembre un moral au plus haut depuis trois ans, d'après le baromètre GfK qui fait référence en la matière.
Le recul du chômage profite au pouvoir d'achat des foyers. Berlin table sur 2,9 millions de chômeurs en 2011, après 3,2 millions cette année et 3,4 millions en 2008. "Le marché du travail est à son mieux depuis 20 ans", a noté M. Brüderle, "beaucoup plus de gens ont un emploi qu'avant la crise".
Pour le ministre libéral, "notre demande agit comme un programme de soutien à la conjoncture chez nos voisins", car les importations de l'Allemagne sont les exportations de ses partenaires.
Et en premier lieu de la France, qui envoie plus de 15% de ses exportations outre-Rhin.
M. Brüderle n'a visiblement pas digéré les critiques de Paris au printemps sur un modèle économique allemand trop dépendant des exportations. "Notre croissance est entrée dans un cycle vertueux" qui n'a pas besoin des autres pour se perpétuer, a asséné le ministre.
"Je dirai cela moi-même ce soir à Christine Lagarde", en Corée-du-Sud où les dirigeants du G20 se réunissent à compter de vendredi. C'est la ministre française de l'Economie et des Finances qui avait la première dénoncé la faiblesse de la demande intérieure allemande.