par Alastair Macdonald et Julia Fioretti
BRUXELLES (Reuters) - Au lendemain de sa capture à Molenbeek, sa commune natale dans l'agglomération bruxelloise, les enquêteurs vont tenter de reconstituer les quatre mois de cavale de Salah Abdeslam, principal suspect en fuite depuis les attentats du 13 novembre à Paris et aux abords du Stade de France à Saint-Denis.
La trace de ce Français de 26 ans né à Bruxelles s'était perdue le 14 novembre dans une autre commune de l'agglomération bruxelloise, Schaerbeek, à l'opposé de Molenbeek-Saint-Jean, où deux proches qui étaient allés le récupérer en voiture en pleine nuit à Paris l'avaient déposé.
Sur le trajet entre Paris et la Belgique, leur voiture avait été contrôlée à trois reprises, une dernière fois vers 09h00 du matin à proximité de Cambrai, près de la frontière belge. Le nom de Salah Abdeslam n'était pas encore apparu dans l'enquête.
Mi-février, le journal belge La Dernière Heure rapportait qu'Abdeslam s'était caché pendant trois semaines dans un appartement de Schaerbeek, où il serait arrivé dès le 14 novembre. Il en serait reparti précipitamment le 4 décembre en raison d'une "mobilisation importante de policiers des unités spéciales dans le quartier", écrivait la DH.
Cet appartement a été perquisitionné le 10 décembre et la justice belge avait annoncé à l'époque qu'il avait été loué sous un nom d'emprunt et que les enquêteurs y avaient retrouvé des traces d'explosifs, des ceintures cousues à la main et une empreinte digitale de Salah Abdeslam.
PERQUISITION DE ROUTINE À FOREST
Tout au long de ces quatre mois de cavale, la police belge a multiplié les arrestations et indiqué à plusieurs reprises qu'elle était peut-être sur la piste de l'homme le plus recherché d'Europe sans pour autant écarter les spéculations sur sa possible fuite en Syrie ni confirmer, jusqu'à vendredi, qu'il avait été repéré à Bruxelles.
C'est une perquisition menée mardi dans une habitation de Forest, commune du sud de l'agglomération, qui a abouti à sa capture.
Quand les policiers belges et leurs collègues français qui participent à l'opération arrivent en début d'après-midi dans cet appartement de la rue du Dries, ils s'attendent à procéder à une perquisition de routine, à la recherche de traces physiques, relatera plus tard le parquet belge.
Mais deux personnes au moins ouvrent alors le feu sur eux à l'arme automatique. Les échanges de coups de feu durent plusieurs heures, quatre policiers sont blessés, un suspect armé d'une kalachnikov est tué. Il sera identifié par la suite sous le nom de Mohamed Belkaid, alias Samir Bouzid, lui aussi recherché dans l'enquête sur les attentats du 13 novembre. Deux autres sont en fuite.
Dans l'appartement de Forest, la police scientifique fait une découverte cruciale: elle relève des empreintes de Salah Abdeslam.
ÉCOUTE TÉLÉPHONIQUE
Vendredi, selon des médias locaux, une écoute téléphonique confirme que le fugitif se cache dans une maison de la rue des Quatre-Vents, à Molenbeek, à une demi-douzaine de kilomètres au nord de la rue du Dries.
Lorsque des médias français dévoilent que les empreintes d'Abdeslam ont été découvertes, les unités spéciales de la police belge donnent l'assaut.
Salah Abdeslam est capturé vers 16h40 (15h40 GMT), légèrement blessé à une jambe lors de l'intervention. Un autre homme, Amine Choukri, alias Mounir Ahmed Al Hadj, est lui aussi arrêté dans l'intervention rue des Quatre-Vents.
Choukri avait été contrôlé en compagnie d'Abdeslam à Ulm en Allemagne en octobre 2015, précise le parquet. Un faux passeport syrien portant sa photo a été découvert dans l'appartement de Forest, de même qu'une fausse carte d'identité belge au nom de Choukri.
Au total, les forces spéciales opèrent en trois lieux différents. Trois autres personnes sont également arrêtées, toutes membres d'une famille qui a hébergé Salah Abdeslam, précise le substitut du parquet fédéral, Thierry Werts, lors d'une conférence de presse organisée dans la soirée.
François Hollande, qui était à Bruxelles pour le sommet européen, a suivi l'opération dans le bureau du Premier ministre belge, Charles Michel. "Il y a déjà eu des arrestations et il devra y en avoir d'autres car nous savons que le réseau était très large, en Belgique, en France et dans d'autres pays européens", déclare dans la soirée le président français.
Parmi les fugitifs toujours activement recherchés figure Mohamed Abrini, un Belge de 31 ans filmé en compagnie d'Abdeslam par une caméra de surveillance le 11 novembre, deux jours avant les attentats, dans une station-service de Ressons (Oise).
Leur voiture, une Clio noire, était revenue en France le lendemain, veille des attaques, avec deux autres véhicules transportant des membres du commando et roulant presque "en convoi", avait expliqué le procureur de Paris François Molins à la presse.
(avec Robert-Jan Bartunek et Barbara Lewis à Bruxelles et Gérard Bon à Paris; Tangi Salaün et Henri-Pierre André pour le service français; édité par Marine Pennetier)