par Gilles Guillaume
PARIS (Reuters) - Saint-Gobain a annoncé lundi un projet d'acquisition de la holding Schenker Winkler pour 2,75 milliards de francs suisses (environ 2,3 milliards d'euros) afin de prendre le contrôle du chimiste suisse Sika, mais celui-ci s'est déclaré hostile à l'opération.
Le numéro un mondial de la production, transformation et distribution de matériaux de construction, qui a également annoncé l'enclenchement du processus de vente du reste de Verallia, son activité de conditionnement en verre, va racheter auprès de la famille Burkard, actuel actionnaire de contrôle de Sika, 16,1% du capital qu'elle détient et 52,4% des droits de vote associés.
Sika est le leader mondial de la chimie de la construction. Spécialiste de l'étanchéité, de l'insonorisation et des adhésifs pour applications industrielles, il emploie 16.000 personnes pour un chiffre d'affaires annuel d'environ 4,3 milliards d'euros.
"Après acquisition, le groupe Saint-Gobain pourra consolider Sika par intégration globale dans ses comptes avec un impact positif sur le résultat net dès la première année", dit le groupe français dans un communiqué. "Saint-Gobain n'a pas l'intention de procéder à une offre sur la totalité du capital de Sika et fait pleinement confiance à la société pour poursuivre son développement."
Sika a toutefois répondu qu'il ne soutenait par ce changement de contrôle, et que son conseil et sa direction "n'avaient été ni impliqués, ni consultés en rapport avec le projet de transaction".
Dans un communiqué, le groupe suisse ajoute que les membres du conseil sans lien avec la famille Burkard et la direction du groupe ont décidé de démissionner après la clôture de l'opération.
"De prime abord, l'opération surprend malgré l'attractivité de l'activité de Sika et les synergies potentielles", commente un trader en poste à Paris. "L'opération est coûteuse, rejetée par le conseil de Sika, qui devrait partir, ce qui soulève des questions sur le processus d'intégration."
"Quant à Verallia, le processus de vente est dans les tuyaux depuis toujours", ajoute-t-il.
SAINT-GOBAIN "SURPRIS"
Le PDG de Saint-Gobain s'est dit surpris de la réaction de Sika.
"Nous avons eu des discussions très constructives, notamment avec le CEO et le chairman, sur le projet industriel que nous pouvions avoir en commun", a dit Pierre-André de Chalendar, au cours d'une téléconférence de presse. "Nous devions poursuivre ces discussions dimanche, et nous avons donc été extrêmement surpris d'un revirement d'attitude au cours du week-end, que nous avons appris hier soir."
Saint-Gobain entend grâce à cette opération accélérer son repositionnement sur les solutions pour l'habitat et l'industrie. Il en attend 100 millions d'euros de synergies annuelles dès la deuxième année, soit 2017, 180 millions à partir de 2019, et une création de valeur à partir de la quatrième année.
Il vise le même objectif stratégique en enclenchant la vente du reste de Verallia, qu'il compte boucler comme Sika d'ici l'été 2015.
Saint-Gobain a cherché à l'origine à introduire en Bourse l'ensemble de Verallia, en 2011, l'activité n'étant plus jugée stratégique depuis plusieurs années, mais il a dû interrompre le processus à cause des conditions de marché.
Depuis, il en a cédé la partie nord-américaine pour 1,23 milliard d'euros, opération conclue cette année, et a conservé la partie européenne. L'activité de Verallia qu'il lui reste a représenté l'an dernier un chiffre d'affaires de l'ordre de 2,4 milliards d'euros.
Pierre-André de Chalendar a souligné qu'il entendait vendre cette fois Verallia en un seul bloc, et qu'il avait reçu de nombreuses marques d'intérêt, à la fois de la part de fonds d'investissement et de groupes industriels.
(Avec Katharina Bart à Zurich et Natalie Huet à Paris, édité par Dominique Rodriguez)