WASHINGTON (Reuters) - Le FBI américain a annoncé vendredi avoir établi la preuve que le gouvernement nord-coréen est responsable de la cyberattaque massive conduite il y a un mois contre le studio hollywoodien Sony Pictures, filiale du groupe Sony.
Le Bureau fédéral d'investigation précise dans un communiqué que l'analyse technique du virus utilisé par les hackers a permis de le relier à un virus développé en Corée du Nord et déjà utilisé en mars 2013 lors d'une cyberattaque contre des banques et médias sud-coréens.
Le FBI souligne que la "nature destructrice" de cette attaque couplée à sa "nature coercitive" lui confèrent un caractère tout à fait exceptionnel.
Les pirates informatiques ont exigé et obtenu de Sony Pictures qu'il renonce à la sortie de "The Interview", une comédie dans laquelle les acteurs Seth Rogen et James Franco incarnent des journalistes recrutés par la CIA afin d'assassiner le dirigeant nord-coréen, Kim Jong Un.
Le président américain Barack Obama devrait s'exprimer sur le sujet pendant sa conférence de presse de fin d'année prévue à 13h30 à Washington (18h30 GMT).
Sans attendre les conclusions du FBI, la Maison blanche a dit envisager une "riposte proportionnée" qui pourrait aller, selon les experts, d'une cyberattaque à un soutien militaire accru à la Corée du Sud, en passant par des sanctions financières ou la réinscription de la Corée du Nord sur la liste des pays soutenant le terrorisme, dont elle a été retirée en 2008.
Le communiqué du FBI ne fait pas référence à une éventuelle implication de la Chine, évoquée auparavant par une source gouvernementale américaine.
Selon ce responsable, Pékin pourrait avoir joué un rôle, soit en collaborant avec les hackers, soit parce que ces derniers auraient utilisé des serveurs chinois afin de masquer l'origine de leur attaque.
Cette mise en cause a provoqué une réaction indignée de l'ambassade de Chine à Washington, qui a assuré dans une déclaration envoyée à Reuters que Pékin ne tolère pas de cyberactivité illégale sur son territoire.
Elle a également demandé aux Etats-Unis de partager leurs informations avec les autorités chinoises.
"VOUS AVEZ PRIS UNE DÉCISION TRÈS SAGE"
Une des difficultés pour les autorités américaines, notent les experts, est de donner suffisamment d'éléments au public ou à leurs partenaires sans dévoiler les moyens technologiques dont elles disposent pour remonter jusqu'à l'origine d'une cyberattaque.
Celle qui a visé la filiale de Sony a été lancée le 24 novembre, un mois avant la sortie programmée de "The Interview". Sony Pictures a renoncé cette semaine à sortir le film, craignant de nouvelles attaques informatiques.
Les hackers ont adressé vendredi à la société japonaise un nouveau message teinté d'ironie et de menace pour la féliciter de sa décision.
"Vous avez pris une décision très sage en annulant la sortie de 'The Interview'", dit le message, selon la chaîne CNN. "Nous garantissons la sécurité de vos données sauf si vous causez de nouveaux problèmes."
De nombreuses voix se sont élevées mercredi aux Etats-Unis pour dénoncer le choix de Sony, accusée d'avoir créé un dangereux précédent en cédant au chantage des pirates.
Dans un message sur Twitter, le présentateur vedette Jimmy Kimmel a ainsi qualifié la décision de Sony "d'acte de lâcheté anti-américain qui valide les actes terroristes et instaure un précédent effrayant".
L'acteur Ben Stiller a de son côté jugé qu'elle constituait une "menace pour la liberté d'expression".
Les pirates, qui ont réussi à s'introduire dans les systèmes et les serveurs de la société de Culver City, avaient mis en ligne de nombreux documents internes ainsi que des copies de plusieurs productions inédites.
Sony a précisé ne pas envisager une sortie du film, d'un budget de 44 millions de dollars, en DVD, en vidéo à la demande ou sur des plates-formes de streaming comme l'ont demandé des spectateurs dans des messages sur les réseaux sociaux.
Selon des échanges de courriels internes piratés, certains dirigeants de Sony ne regretteront pas le retrait d'une comédie vouée selon eux à un échec commercial en raison, notamment, de la piètre performance des acteurs principaux.
(Steve Holland; Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français)