par Mathieu Rosemain
LONDRES (Reuters) - L'action Société Générale (EPA:SOGN) a lourdement chuté lundi à la Bourse de Paris après la présentation très attendue du plan stratégique du nouveau directeur général de la banque, Slawomir Krupa, qui a déçu analystes et investisseurs.
Nommé en mai après le long mandat de 15 ans de son prédécesseur Frédéric Oudéa, Slawomir Krupa a été chargé de redresser la banque rouge et noire, à la traîne depuis plusieurs années face à ses rivales, notamment en raison de son exposition plus élevée aux revenus volatils de la banque d'investissement.
Mais la présentation lundi de la nouvelle stratégie n'a pas répondu aux attentes, selon les analystes, qui ont mis en avant une déception sur les projections de croissance et les perspectives de dividende et le manque de précisions sur d'éventuelles cessions d'actifs.
A la clôture de la Bourse de Paris, l'action Société Générale a chuté de 12,05% à 23,28 euros, sa plus forte baisse en séance depuis le 15 mars dernier, effaçant au passage plus de deux milliards d'euros de capitalisation boursière.
La banque française a dit lundi viser un ratio de rentabilité des fonds propres tangibles (ROTE) de 9% à 10% en 2026, contre 5,6% déclaré à fin juin, et un taux de distribution compris entre 40% et 50% du résultat net déclaré aux actionnaires sous forme de dividendes et de rachats à partir de 2023.
Ces deux objectifs sont légèrement inférieurs aux engagements précédents, qui prévoyaient que le ROTE atteigne environ 10% en 2025 et un ratio de distribution de 50%.
Société Générale vise également un ratio de fonds propres CET1 - une mesure clé de la solidité financière - de 13% en 2026, presque au même niveau que le 13,1% déclaré à la fin du mois de juin, en tenant compte des exigences de solvabilité accrue dans le cadre des règles de Bâle IV qui doivent entrer en vigueur début 2025.
OBJECTIFS "DÉCEVANTS"
Les nouveaux objectifs sont basés sur des prévisions d'une croissance annuelle des revenus comprise entre 0% et 2% en moyenne sur la période 2022-2026.
"Nous sommes négativement surpris par l'absence de croissance des revenus, l'augmentation de l'objectif de capital, la baisse sur le taux de distribution et le ROTE et par l'absence de détails", ont souligné dans une note les analystes de Jefferies.
Exane a qualifié les objectifs de "décevants" tandis que les analystes de JP Morgan ont signalé des prévisions de revenus inférieures au consensus tout en saluant l'accent mis sur les coûts.
"Le nouveau directeur général devrait gagner la sympathie des investisseurs avec des résultats concrets", ont-ils observé.
Interrogé sur la réaction négative du marché, Slawomir Krupa s'est dit confiant dans sa stratégie.
"Nous sommes convaincus que c'est le bon plan pour la banque pour les décennies à venir", a-t-il déclaré aux journalistes.
Il a souligné qu'il était essentiel pour lui d'être crédible et d'atteindre les objectifs fixés, la banque ayant souvent échoué à convaincre les marchés sur ce point.
"Il s'agit de la meilleure hypothèse, la plus honnête, sur ce que nous pensons pouvoir réaliser", a-t-il déclaré aux analystes.
UN BUSINESS MODEL SIMPLIFIÉ
Slawomir Krupa, qui a fait l'essentiel de sa carrière au sein de Société Générale où il dirigeait dernièrement la banque d'investissement, a déclaré lundi qu'il rationaliserait les activités de la banque, sans donner plus de précisions.
"Nous renforcerons le groupe en façonnant un business model simplifié. Nous prendrons les décisions nécessaires pour renforcer le capital et gagner en flexibilité", a-t-il dit, cité dans un communiqué.
"Ça ne sert à rien d'opérer une myriade d'activités avec des rendements moyens", a-t-il ajouté auprès des journalistes, reconnaissant que le manque de précisions sur d'éventuelles cessions constituerait une source "de frustration pour tout le monde aujourd’hui".
Au-delà de l'absence de détail, "l'objectif de simplification de la structure (...) montre que la banque privilégie plus sa transformation, ce qui pèse sur sa capacité à maintenir des niveaux de dividende élevés", relève auprès de Reuters Frédéric Rozier, gérant chez Mirabaud.
"Ce n'est pas à un très très beau message envoyé par Société Générale au marché", estime-t-il, même s'il juge injustifiée l'ampleur de la chute du titre étant donné la valorisation déjà peu élevée de Société Générale en Bourse.
DÉPRÉCIATIONS
Des sources proches du dossier ont indiqué à Reuters que la banque était ouverte à l'idée d'une cession de sa filiale spécialisée dans le financement des ventes et des biens d'équipement SGEF, qu'elle considère comme non essentielle.
Société Générale a par ailleurs annoncé en juin avoir signé des accords en vue de la vente de ses filiales au Congo, en Guinée équatoriale, en Mauritanie et au Tchad, et a dit examiner une cinquième unité sur le continent.
La banque a prévenu lundi que sa nouvelle stratégie l'avait conduite à comptabiliser des dépréciations pour la partie restante de ses activités africaines, du bassin méditerranéen et d'outre-mer, ainsi que pour sa division Equipment Finance, pour un total d'environ 340 millions d'euros.
Du point de vue des objectifs ESG, Société Générale a dit vouloir réduire son exposition au secteur de la production de pétrole et de gaz de 80% d'ici 2030 par rapport à 2019.
La banque a aussi fixé pour objectif un taux de 35% de femmes dirigeantes au niveau mondial d’ici 2026 et a alloué 100 millions d’euros à la réduction de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes.
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ENCADRE-Les objectifs clés du nouveau plan stratégique de SocGen
(Avec la contribution de Tassilo Hummel, Silvia Aloisi, Elisa Martinuzzi, Michal Alexandrowicz, Ingrid Melander; version française Diana Mandiá, édité par Blandine Hénault)