par Makiko Yamazaki et Taiga Uranaka
TOKYO (Reuters) - Toshiba (T:6502), plongé dans une crise profonde au point d'en venir à douter de sa survie, a publié mardi des résultats qui avaient été auparavant repoussés à deux reprises et qui n'ont pas été certifiés par ses commissaires aux comptes, au risque d'être radié de la Bourse de Tokyo.
"Il y a des événements et des conditions de première importancze qui soulèvent de gros doutes sur la capacité de l'entreprise à poursuivre son activité", a déclaré Toshiba, en annonçant une perte plus importante que prévu sur la période avril-décembre en raison des dépréciations constituées sur sa filiale nucléaire américaine Westinghouse.
L'avis financier publié par Toshiba comporte une mention de l'auditeur PricewaterhouseCoopers (PwC) Aarata LLC expliquant qu'il n'est pas en mesure de se faire une opinion sur les comptes, ce qui est inédit pour un grand groupe coté au Tokyo Stock Exchange (TSE).
Le directeur général Satoshi Tsunakawa a déploré cet état de fait et expliqué que le conglomérat avait préféré publier des résultats non certifiés plutôt que procéder à un troisième report qui aurait constitué un précédent.
"La décision quant à une éventuelle radiation de la cote est du ressort de la Bourse", a-t-il dit au cours d'une conférence de presse donnée à Tokyo et qu'il a ouverte avec la présentation d'excuses aux actionnaires. "Nous ferons tout notre possible pour l'éviter", a-t-il promis.
En se montrant conciliantes vis-à-vis de Toshiba, les autorités boursières risqueraient de perdre en crédiblité mais une radiation pure et simple enfoncerait le conglomérat dans la crise, augmenterait ses coûts de financement et l'exposerait à de nouveaux procès intentés par des actionnaires excédés.
Toshiba avait dit en mars anticiper sur l'exercice 2016-2017 une perte pouvant atteindre 1.000 milliards de yens (8,49 milliards d'euros) en raison des déboires financiers de sa filiale nucléaire américaine Westinghouse qui, plombée par les retards et dépassements de budget, a déposé son bilan en mars.
PwC Aarata remet en question non seulement les résultats récents mais aussi les comptes de Westinghouse pour l'année fiscale achevée en mars 2016, ont dit des sources sous couvert d'anonymat.
Toshiba est soumis depuis la mi-mars à la surveillance d'une Bourse de Tokyo qui n'est pas toujours pas convaincue de la fiabilité de ses contrôles internes un an et demi après un énorme scandale comptable.
Cette non certification des comptes peut en théorie justifier une décision de radiation mais la Bourse de Tokyo reste maître du calendrier en la matière.
OFFRE DE FOXCONN ?
Ainsi empêtré dans une crise sans précédent, Toshiba a mis en vente l'un de ses fleurons, sa division de mémoires, et a par ailleurs signalé mardi qu'il envisageait, entre autres possibilités, une introduction en Bourse de sa filiale suisse de compteurs intelligents Landis+Gyr.
Reuters avait rapporté le mois dernier que Toshiba avait mandaté la banque UBS pour explorer une vente ou une IPO de l'entreprise, évaluée dans les deux milliards de dollars (1,88 milliard d'euros) et dont il détient 60% du capital.
Toshiba enverra de la documentation sur cette filiale aux acheteurs potentiels dans le courant du mois, ont dit deux personnes proches du dossier.
Le groupe japonais a surtout en vue des sociétés de capital-investissement telles que Carlyle, Cinven, Advent, Blackstone, Bain, Onex, Triton, CD&R et même l'ancien propriétaire KKR (NYSE:KKR), ont précisé les sources.
Pour ce qui est du pôle mémoires, le groupe taïwanais Foxconn (TW:2354) a proposé jusqu'à 3.000 milliards de yens (25,5 milliards d'euros) pour l'acquérir, a rapporté le Wall Street Journal, citant des sources proches du dossier.
Une telle proposition mettrait les autorités japonaises dans une situation délicate car elles ne veulent pas que cette opération présente le moindre risque pour la sécurité intérieure. Foxconn est considéré comme présentant un tel risque du fait de ses attaches avec Pékin.
Le ministre japonais du Commerce Hiroshige Seko a réaffirmé mardi que la technologie des puces de Toshiba était indispensable, non seulement pour la stratégie de croissance du Japon mais aussi pour l'emploi et la sécurité informatique.
"Pour ces raisons, nous continuons de surveiller attentivement la situation de l'entreprise Toshiba et la vente de son pôle mémoires", a-t-il dit.
Toshiba s'est refusé à tout commentaire à ce sujet et Foxconn, raccourci de la raison sociale Hon Hai Precision Industry Company, pareillement.
(Avec Kentaro Hamada, Taro Fuse, Tim Kelly, Takahiko Wada, Ami Miyazaki et Emi Emoto; Véronique Tison et Claude Chendjou pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)