par Leika Kihara et Stanley White
TOKYO (Reuters) - La Banque du Japon (BoJ) a laissé sa politique monétaire inchangée mercredi à l'issue d'une réunion de deux jours alors que des statistiques publiées lundi ont montré que le pays était tombé en récession au troisième trimestre.
Malgré l'impact sur l'économie de la hausse de la TVA intervenue en avril, l'institut d'émission continue de se montrer relativement optimiste sur les perspectives de la troisième économie mondiale et semble vouloir se donner le temps d'évaluer les effets des nouvelles mesures d'assouplissement annoncées le mois dernier.
Son gouverneur Haruhiko Kuroda, ardent défenseur d'une nouvelle augmentation de la TVA pour réduire la dette, a critiqué à mots couverts la décision du Premier ministre Shinzo Abe de reporter cette mesure impopulaire qui était programmée pour octobre 2015.
Sans surprise, le comité de politique monétaire de la banque centrale s'est prononcé en faveur du maintien d'un programme de rachats d'actifs de 80.000 milliards de yens (575 milliards d'euros) par an. Le montant de cette enveloppe avait, contre toute attente, été augmenté de 30.000 milliards le 31 octobre.
"L'économie japonaise continue de se reprendre de manière tendanciellement modérée, même si quelques faiblesses persistent, notamment dans la production", a déclaré la BoJ.
Elle a revu à la hausse son appréciation de la situation en matière d'exportations, disant qu'elles étaient "stables" alors qu'elle avait jugé le mois dernier qu'elles reculaient.
Selon des statistiques officielles qui ont pris tout le monde de court lundi, le Japon vu son économie se contracter au troisième trimestre, comme au deuxième, signe que la hausse de trois points, de 5% à 8%, du taux de la taxe sur la valeur ajouté (TVA) entrée en vigueur le 1er avril a continué de peser lourdement sur l'activité.
Au lendemain de l'annonce des chiffres du produit intérieur brut (PIB), Shinzo Abe a fait état de son intention de convoquer des élections anticipées et de repousser de 18 mois la seconde augmentation de la TVA qui était programmée pour octobre 2015.
LES PRÉVISIONS DE LA BOJ FRAGILISÉES
Interrogé sur l'action du Premier ministre, Haruhiko Karuda a exhorté le gouvernement à poursuivre ses efforts d'assainissement budgétaire et à respecter la feuille de route conclue en janvier avec la banque centrale.
L'accord prévoyait que la BoJ s'engage à atteindre ses objectifs d'inflation tandis que le gouvernement de son côté s'employait à redresser les finances publiques.
"Le gouvernement a élaboré un plan d'assainissement budgétaire de moyen terme et a fixé un cap très clair. Nous espérons qu'il mettra en oeuvre les mesures qui découlent de ce plan", a dit Haruhiko Karuda lors d'une conférence de presse.
"La discipline budgétaire est du ressort du gouvernement et du Parlement, non de la banque centrale", a-t-il ajouté.
Les deux trimestres consécutifs de contraction vont très probablement contraindre la BoJ à revoir une nouvelle fois à la baisse ses prévisions de croissance pour l'exercice fiscal en cours lors de la prochaine revue trimestrielle de ses projections macro-économiques de long terme, en janvier.
Fin octobre, la BoJ avait dit s'attendre désormais à une croissance limitée à 0,5% pour l'exercice fiscal se terminant au 31 mars 2015 contre encore 1,0% anticipé en juillet.
"La croissance comme l'inflation ne sont pas au niveau des prévisions de la BoJ. Cela va entretenir les anticipations de nouvelles mesures d'assouplissement", commente Yoshiki Shinke, chef économiste chez Dai-ichi Life Research Institute qui prévoit pour sa part une contraction de 0,8% du PIB sur l'exercice 2014/2015.
Le report de la hausse de la TVA complique aussi la position de Haruhiko Kuroda, qui est confronté à des divisions au sein du comité de politique monétaire et dont la crédibilité risque d'être écornée sur les marchés.
La décision du mois dernier en faveur des nouvelles mesures a fait l'objet d'un vote serré au comité de politique monétaire et l'un de ses membres, Takahide Kiuchi, s'est de nouveau prononcé contre mercredi.
La BoJ rachète désormais pratiquement le même montant d'obligations d'Etat qui sont émises chaque mois, ce qui selon ses détracteurs revient pratiquement à monétiser la dette. Le report de la deuxième hausse de la TVA risque dans ces conditions d'augmenter encore l'endettement du pays, de loin le plus élevé des pays industrialisés avec un ratio de plus de 200% du PIB.
(Benoît Van Overstraeten et Véronique Tison pour le service français)