par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - C'est dans le secret de sa conscience que François Hollande a mûri son choix de renoncer à briguer un second mandat, une lourde décision annoncée jeudi à Manuel Valls, quelques heures avant son allocution télévisée devant les Français.
Pendant dix minutes, devant un décor sobre à fond bleu installé dans les locaux du 2, rue de l'Elysée, à quelques mètres du palais, le président a expliqué les raisons de son choix, essentiellement dicté par le souci du rassemblement de sa famille politique.
Un discours prononcé avec une émotion inhabituelle, qui avait été "écrit de sa main, de A à Z", assure un membre de son entourage.
"Il n'a jamais considéré que sa candidature était automatique", a expliqué ce même proche aux journalistes accourus aux abords du palais dès l'annonce de l'intervention présidentielle.
A ses yeux, l'analyse de la situation politique a dominé le choix final du président.
"C'est un processus qui s'est étalé sur une longue période mais l'élément déterminant c'est qu'il a estimé que les conditions du rassemblement n'étaient pas réunies", a-t-il dit.
François Hollande avait prévenu dans l'après-midi quelques personnes par téléphone, parmi lesquelles le Premier ministre, Manuel Valls, le président du groupe PS à l'Assemblée nationale Bruno Le Roux, le porte-parole du gouvernement, Stéphane le Foll, et le maire de Dijon, François Rebsamen.
Président et Premier ministre se sont aussi parlé après l'allocution télévisée, que Manuel Valls avait suivie "avec émotion" à Matignon en compagnie de ses collaborateurs.
"A ce moment précis, nous avons quitté le bureau pour les laisser seuls, dans leur intimité", a rapporté à Reuters un proche de Manuel Valls.
François Hollande devait dîner "avec des proches" jeudi soir à l'Elysée, a rapporté un membre de son entourage qui a décrit un président "extrêmement serein".
"C'est un choix qu'il fait en conscience, en responsabilité, en lucidité. Comme toutes les décisions dont on pèse longuement les avantages et les inconvénients, on l'assume totalement", a-t-il ajouté.
"CHAPEAU !"
Lors des deux rendez-vous à l'agenda présidentiel de ce froid jeudi de décembre, rien n'avait transparu des intentions du chef de l'Etat, dont les gestes et les paroles sont scrutés depuis des semaines à la recherche d'un indice sur son avenir politique.
La tension était très forte depuis la désignation de François Fillon au terme du second tour de la primaire de la droite, dimanche dernier, qui a mis les républicains en ordre de bataille pour 2017.
Jeudi matin, un François Hollande souriant a longuement félicité et décoré les médaillés olympiques et paralympiques victorieux l'été dernier à Rio.
En fin d'après-midi, il a présidé, comme souvent, une cérémonie de remise de la Légion d'honneur. Parmi les récipiendaires figurait l'ancien ministre socialiste Thierry Repentin.
"Je pense qu'il a pris sa décision en son âme et conscience, seul", a raconté ce dernier à Reuters. "Je l'ai vu un quart d'heure avant son allocution télévisée. Ses conseillers n'avaient pas l'air au courant de son choix".
Celui qui fut ministre de 2012 à 2014 s'est dit soulagé par cette décision, qui met fin à une période d'incertitude très anxiogène à gauche.
"Quand la nature n'est pas entretenue, l'herbe folle pousse. Il était temps que nous sachions quel serait le candidat", a-t-il dit avant de rendre hommage à celui qui ne sera plus président dans cinq mois.
"C'est un grand message de dignité et de réconciliation. François Hollande a dit ce soir que ce n'est pas son destin qui l'intéresse, mais celui de son pays, donc chapeau !"
François Hollande devait s'envoler vendredi matin pour une visite de deux jours à Abou Dhabi, sous le double signe de la culture et de la guerre contre l'Etat islamique, qui a constitué le fil rouge de son quinquennat finissant.
(Edité par Yves Clarisse)