PARIS (Reuters) - Les députés français ont adopté mercredi en première lecture une proposition de loi sur le "secret des affaires" présentée par la majorité comme un outil de protection des entreprises, que ses détracteurs jugent attentatoire à la liberté d'informer.
Adopté au terme d'un vif débat, ce texte entend "protéger nos entreprises, leur savoir-faire, leur innovation face à l’espionnage économique, au pillage industriel et à la concurrence déloyale", s'est félicité après le vote le député La République en marche Raphaël Gauvain, rapporteur du texte.
Examinée le 18 avril au Sénat, la proposition de loi transpose une directive européenne relative à "la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d'affaires)", entrée en vigueur en juillet 2016 et appelée à être transposée par les Etats membres avant le 9 juin.
Mardi et mercredi dans l'hémicycle, l'opposition de gauche s'est fait l'écho des inquiétudes exprimées par des journalistes, des syndicats et des associations, qui jugent le "flou" entourant la définition du secret des affaires dangereux pour la liberté d'informer.
"Je ne prends pas à la légère les inquiétudes de la société des rédacteurs du Monde, de l'AFP, d'un certain nombre de grandes associations qui lisent les textes et savent juridiquement interpréter une proposition de loi débattue à l'Assemblée nationale", a ainsi déclaré la députée socialiste Delphine Batho. "Donc si vous ne les avez pas convaincus, c'est bien qu'il y a un problème dans le texte."
"Ce que nous craignons avec cette loi, c'est qu'il y ait encore des champs flous qui vont donner une arme supplémentaire à des multinationales pour attaquer la presse mais pas seulement, les chercheurs aussi, les ONG qui défendent l'environnement entre autres, mais également les salariés qui pourraient changer d'entreprise, les syndicats, etc.", argumentait mardi sur franceinfo le journaliste Jean-Pierre Canet, co-fondateur de l'émission de France 2 "Cash investigations".
Dans l'hémicycle, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, s'est voulue rassurante.
"Le secret des affaires ne pourra être opposé aux lanceurs d'alertes et aux journalistes", a-t-elle dit, affirmant que ce texte ne sous-tendait "strictement aucune restriction de liberté publique".
(Elizabeth Pineau)