PARIS (Reuters) - L'ancien Premier ministre Édouard Balladur et son ministre de la Défense d'alors, François Léotard, ont été renvoyés devant la Cour de justice de la République (CJR) dans le volet financier de l'affaire Karachi, a annoncé mardi le parquet.
Ce dossier complexe concerne des contrats de vente de sous-marins et de frégates au Pakistan et à l'Arabie saoudite, remontant aux années 1990, qui auraient pu servir à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, en 1995, via un système occulte de rétro-commissions.
La commission d'instruction de la CJR a rendu lundi l'arrêt renvoyant les deux hommes devant le tribunal pour complicité d'abus de biens sociaux mais également, dans le cas de l'ex-chef du gouvernement, pour "recel du produit de ces délits".
L'arrêt de 267 pages est conforme aux réquisitions du procureur général près la Cour de cassation, François Molins, qui avait demandé en juillet la tenue d'un tel procès.
"Édouard Balladur est confiant dans l’issue de cette procédure, dans la mesure où il n’a jamais commis aucun des actes qu’on lui reproche", soulignent les avocats de l'ancien Premier ministre, en poste de 1993 à 1995, dans un communiqué transmis à Reuters.
Le procès, poursuivent-ils, sera "l'occasion pour Monsieur Édouard Balladur de rappeler que ses comptes de campagne étaient conformes aux règles en vigueur" et mettra "fin à une décennie d’accusations publiques aussi graves que calomnieuses qui ont entretenu dans l'opinion l'idée qu'il existait un lien entre la campagne (...) et le tragique attentat de Karachi".
Au cours des investigations a en effet émergé l'hypothèse d'un lien de cause à effet entre l'arrêt du versement des commissions, décidé par Jacques Chirac au lendemain de sa victoire à la présidentielle de 1995, et l'attentat au Pakistan, qui a coûté la vie à 15 personnes dont onze Français de la Direction des Constructions Navales, en 2002.
La commission d'instruction de la CJR ne reprend pas cette piste à son compte.
En revanche, le financement des activités politiques d'Edouard Balladur est bien au coeur des soupçons, l'ex-Premier ministre étant renvoyé "en particulier pour avoir pu financer sa campagne électorale de 1995 notamment grâce à des espèces à hauteur de 10.250.000 francs susceptibles de provenir de rétro-commissions", tel que l'écrit le ministère public dans un communiqué.
Le renvoi "est bien la preuve que nous sommes en présence de l'affaire d'Etat que nous dénonçons depuis 2009", année des premières plaintes, a déclaré à Reuters Me Olivier Morice, avocat de familles de victimes de l'attentat de Karachi.
La CJR est la seule juridiction habilitée à juger des délits commis par des ministres dans l'exercice de leur fonction.
Dans cette même affaire, six autres personnes, dont d'anciens proches collaborateurs d'Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy, doivent être jugés du 7 au 31 octobre devant le tribunal correctionnel.
(Simon Carraud, édité par Jean-Stéphane Brosse)