PARIS (Reuters) - François Fillon s'est employé mardi à dissiper les inquiétudes de son camp sur son projet de réforme du système de santé sans pour autant éteindre les critiques de ses adversaires, qui l'accusent de brouiller les cartes sous d'apparents amendements.
La proposition la plus contestée du candidat de la droite et du centre, qui assure dans Le Figaro vouloir sanctuariser l'assurance maladie, a été retirée mardi de son site internet.
Mais son entourage dément tout recul alors même que l'ancien Premier ministre a stratégiquement remisé les points les plus contestés de son projet, comme la distinction entre "petits" et "gros" risques dans la couverture santé.
"Ce n'est pas du renoncement. La protection des Français est un ensemble Sécurité sociale-complémentaires santé. Cet ensemble-là doit continuer à protéger 100% des Français et 100% des maladies, François Fillon n'a pas varié d'un cil", a plaidé sur BFM TV son porte-parole Jérôme Chartier.
Le candidat, qui se rendra mercredi dans un hôpital d'Ile-de-France, a poursuivi son entreprise de "clarification" mardi devant les députés Les Républicains en les invitant à résister aux "caricatures". Les élus, inquiets des répercussions de mesures radicales sur l'électorat populaire, en sont ressortis rassurés même si François Fillon n'est pas entré dans le détail.
"L'objectif est tout simplement de revenir à une Sécurité sociale réellement universelle qui permette aux Français, notamment les plus modestes, d'être mieux remboursés de l'ensemble de leurs soins", a plaidé Thierry Solère, futur porte-parole de la campagne de François Fillon.
"INFLUENCE CORPORATISTE"
Pour le juppéiste Benoist Apparu, le projet "est remis sur des rails." Mais le centriste Philippe Vigier (UDI) a estimé que la démonstration du candidat dans Le Figaro méritait d'être "plus explicitée".
"François Fillon a bien eu raison de ne pas en rester là. Le programme de la primaire ne peut enfermer le candidat à l'élection présidentielle", a commenté sur LCI Marie-Anne Montchamp, secrétaire nationale LR à la Protection sociale.
"Je veux bien entendre qu'un spécialiste de chez McKinsey, se laissant aller à une proposition programmatique pour la primaire, ait pu sortir une disposition comme celle-là", mais "cette ligne de partage entre des risques qui seraient sévères et des risques qui seraient secondaires au point qu'on les ferait sortir du champ de la Sécurité sociale n'est pas une approche qui parle à nos compatriotes", a-t-elle dit.
Le programme économique de François Fillon pour la primaire a été écrit sous la supervision, notamment, de François Bouvard, un ancien du cabinet de conseil McKinsey. L'influence d'Henri de Castries, ex-PDG du groupe Axa, est également mise en cause.
"Si on attribue une influence corporatiste à un programme pour la présidentielle, on n'est pas sur un bon chemin", a jugé Marie-Anne Montchamp.
S'il confirme la suppression du tiers-payant généralisé dans son projet présidentiel, François Fillon, qui reste évasif sur la résorption du déficit de la Sécurité sociale, n'évoque plus dans sa tribune au Figaro la "redéfinition" des rôles respectifs de l'assurance maladie obligatoire et des complémentaires.
A la première serait dévolu un panier de soins "solidaire" centré sur les affections graves et de longue durée, aux secondes un panier de soins "individuel" pour les affections courantes, peut-on lire dans son programme.
"FLOU"
Il n'est plus question non plus d'une franchise universelle, "fonction des revenus dans les limites d'un seuil et d'un plafond", dont la conseillère Santé de François Fillon, la généticienne Dominique Stoppa-Lyonnet, disait récemment dans Les Echos qu'il pourrait y renoncer pour "un système plus classique". Ni d'une bascule "progressive" des cotisations patronales vers "un mix CSG-TVA".
"Il revient à la position gaulliste de la Sécurité sociale", s'est félicité le juppéiste Jean-Pierre Raffarin sur Europe 1. "
L'équipe de François Fillon met désormais en avant l'idée d'une Agence de contrôle et de régulation de l'assurance santé privée qui instaurerait un "contrat standard d’assurance santé universelle obligatoire", "avec une variable, le prix".
"Une agence de régulation qui puisse veiller à ce que les prix pratiqués soient justes", explique Jérôme Chartier.
La mise au point n'a pas convaincu la ministre socialiste de la Santé Marisol Touraine, très critique depuis deux semaines, qui a accusé sur RTL le candidat de chercher à "embrouiller les Français". Même soupçon du côté du Front national où le numéro deux du parti, Florian Philippot relève que les propositions polémiques ne sont pas démenties.
"Soit c'est volontairement flou, et ça cache une dissimulation du projet véritable qui est bien de privatiser la Sécurité sociale, (...) soit c'est une vraie reculade et ça veut dire (...) qu'on serait donc condamné, si Fillon était élu malheureusement président de la République, à cinq ans d'immobilisme", a-t-il déclaré sur LCI.
(Sophie Louet avec Emile Picy, édité par Gérard Bon)