C'est dans un monde sauvage que les sphères économiques et financières s'aventurent désormais, a déclaré ce matin à Paris Christophe Donay, le stratégiste de la banque privée suisse Pictet & Cie. Pour les boursiers, cela signifie que la rentabilité des actions ne rééditera probablement pas, en 2015, les performances constatées depuis 2009. Attention aux déconvenues, notamment en Europe, et à la volatilité. De ce fait, les actions américaines sont privilégiées par le gestionnaire d'actifs, qui a déjà liquidé ses positions en zone euro.
Pictet & Cie part du constat de la désynchronisation de l'économie mondiale. Etats-Unis, Asie et Europe en sont effectivement à des phases différentes du cycle économique, les stratégies monétaires de leurs banques centrales sont divergentes, et les les politiques fiscales et budgétaires ne suivent pas de tendance générale.
Si une dynamique positive s'installe aux Etats-Unis, dont la croissance du PIB devrait se situer entre 3% et 3,5% en 2015, il n'en sera pas de même an zone euro, où Ch. Donay n'attend qu'une hausse de 0,8%, chiffre sensiblement inférieur au consensus (+ 1,2%).
En effet, la zone euro bénéficie certes du caractère accommodant de l'action de la BCE. Mais si la politique monétaire peut éloigner le risque systémique, elle ne peut à elle seule faire repartir une économie : en attendant, alors même que la croissance reste faible, l'accumulation de dette publique se poursuit - ce que Christophe Donay qualifie de mécanique infernale.
Un nombre croissant d'Etats membres de la zone euro, notamment dans la périphérie mais aussi la France et l'Italie, ne respectent plus les critères de Maastricht, qui sont avant tout des marqueurs de solvabilité. De facto, en Europe, le risque de défaut de paiement augmente.
Par ailleurs, si chaque baisse de 10 dollars du baril de pétrole dope la croissance de l'Eurozone de 0,1 point de pourcentage, le risque de déflation augmente d'autant. D'où une hausse de la probabilité du lancement, par la BCE, d'un QE souverain l'année prochaine
Le gestionnaire d'actifs qu'est Pictet, dont l'encours atteignait 119 milliards d'euros à fin septembre, en déduit que l'environnement économique et financier demeure complexe et hétérogène, marqué par une volatilité importante, et qu'il offre aussi une faible visibilité. Pictet mettra donc l'accent sur la diversification et la protection des portefeuilles.
Conséquence radicale sur les marchés d'actions : Pictet conseille de sous-pondérer l'exposition à la zone euro, qui d'ores et déjà ne fait plus partie des investissements auxquels la gestion est exposée, tout en se montrant neutre sur l'Europe en général et positif sur les Etats-Unis.
En effet, même si la BCE lançait un QE de plein exercice, son effet sera moins marqué sur les marchés que celui de la Fed. Ne serait-ce qu'en raison de l'absence de coordination des actions monétaires et budgétaires.
En outre, Pictet calcule que l'écart de valorisation des Bourses européennes et américaines, à 2,5 points de PER actuellement, est revenu à sa moyenne historique. On ne peut donc parler de décote en Europe et en cas de déception conjoncturelle (ce qui est jugé probable), les marchés de la zone euro seraient menacés de correction.
Pictet estime enfin que les anticipations de profit agrégé des actions européennes en 2015, que le consensus attend en hausse globale de 17%, reposent excessivement sur les cycliques et les financières. Il recèlerait donc un risque de déception significatif.
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