par Robin Emmott
BRUXELLES (Reuters) - Les pays de l'Union européenne se sont accordés lundi sur un plan global en vue d'une Europe autonome de la défense, dont l'élection de Donald Trump a souligné l'urgence.
Ce plan validé par les ministres de la Défense et des Affaires étrangères, réunis à Bruxelles, pourrait permettre au bloc européen d'envoyer des forces sur des théâtres extérieurs pour stabiliser une crise avant le déploiement de casques bleus de l'Onu et, plus globalement, doit cimenter la volonté des Européens d'assurer leur "autonomie stratégique" sans dépendre de Washington.
Pendant la campagne électorale américaine, Trump a considéré que l'Otan coûtait trop chère aux Etats-Unis et a proposé de faire contribuer davantage les alliés européens au financement de leur défense, faute de quoi ils devraient se débrouiller seuls.
"L'Europe doit être capable d'agir pour sa propre sécurité", a déclaré le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui a été en pointe sur ce dossier avec son homologue allemande, Ursula van der Leyen, et avec la Haute Représentante de l'UE pour la politique extérieure et de sécurité, Federica Mogherini.
Le plan approuvé lundi va "permettre à l'Europe de franchir un pas de plus vers l'autonomie stratégique", a-t-il ajouté en évoquant les capacités opérationnelles et le financement des opérations extérieures mais aussi de la recherche en matière de défense.
"L'ambition stratégique de l'Europe s'impose quels que soient les présidents des Etats-Unis", a-t-il poursuivi, rejetant l'idée selon laquelle cet accord serait une réaction à la victoire inattendue du milliardaire new-yorkais.
PAS D'ARMÉE EUROPÉENNE
Les concepteurs du projet ont cependant du mal à convaincre que cette Europe de la défense ne sera pas une rivale de l'Otan, dont la Grande-Bretagne a parallèlement fait sa priorité depuis la victoire du Brexit au référendum du 23 juin.
"Plutôt que de rêver d'une armée européenne, la meilleure approche de la présidence Trump pour les pays européens est d'accroître leurs propres dépenses de défense", a déclaré le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, en marge de la réunion.
Seuls cinq pays de l'UE, dont la Grande-Bretagne, respectent l'objectif fixé par l'Otan de porter leurs dépenses de défense à 2% du PIB, a fait observer Fallon. Dix autres ont finalisé une trajectoire devant les faire parvenir à ce but. Au total, la moitié seulement des membres de l'Otan appartenant aussi à l'UE respectent ou tentent de respecter cet objectif.
Il n'est pas question dans ce plan de 16 pages d'une armée européenne, et le projet de création d'un centre de programmation des missions civiles et militaires a été revu à la baisse, ne conservant plus que le volet civil.
Les financements évoqués sont en outre bien pâles en comparaison des 18 milliards de dollars que les Etats-Unis s'apprêtent à consacrer dans les cinq ans prochaines années en matière de nouvelles technologies de défense.
Il appartient désormais aux chefs d'Etat et de gouvernement d'approuver définitivement ce projet lors du sommet européen de décembre. Sa mise en oeuvre prendra sans doute de nombreux mois.
De la République démocratique du Congo à la Méditerranée, l'UE mène actuellement 17 millions militaires et civils à travers le monde.
(Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)