PARIS (Reuters) - Passage devant le Panthéon, éloge funèbre aux Invalides et décoration posthume: la France a rendu mercredi un hommage national au gendarme Arnaud Beltrame, "héros" dans la lignée des plus "grands résistants français" face à la "barbarie" des attaques de vendredi dernier revendiquées par l'Etat islamique.
Une minute de silence a été observée à 10h00 dans toutes les gendarmeries, commissariats et préfectures, les drapeaux ont été mis en berne sur les bâtiments et édifices publics et un "moment de recueillement" était prévu dans les établissements scolaires.
Point d'orgue de cet hommage, l'éloge funèbre prononcé par Emmanuel Macron dans la cour d'honneur des Invalides à Paris, au cours duquel il a salué la mémoire de l'officier de 44 ans, tué après s'être substitué à une otage dans un supermarché à Trèbes.
"L'un d'entre nous venait de se dresser, droit, lucide, et brave, il faisait face à l'agression islamiste, face à la haine, face à la folie meurtrière et avec lui surgissait du coeur du pays l'esprit français de résistance par la bravoure d'un seul", a dit le chef de l'Etat, citant notamment Jean Moulin.
"Tous ces femmes et ces hommes qui un jour avaient décidé que la France, la liberté, la fraternité française ne survivraient qu'au prix de leur vie et que cela en valait la peine", a-t-il ajouté devant plus d'un millier d'invités - membres du gouvernement, familles des trois autres victimes de Radouane Lakdim - Jean Mazières, Hervé Sosna et Christian Medvès - et élus politiques de tous bords.
Le chef de l'Etat a décoré le colonel du grade de commandeur de la Légion d’Honneur, le plus haut de la Légion d'honneur.
LA FRANCE CIBLE DE NOMBREUX ATTENTATS
La veille, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb lui avait décerné trois médailles à titre posthume, celle de la gendarmerie nationale avec palme de bronze, celle d’acte de courage et dévouement celle de la sécurité intérieure.
La mort de l'officier, dont le cercueil a stationné un quart d'heure mercredi matin devant le Panthéon, temple laïc des "grands hommes" français, a suscité une vague d'émotion nationale dans une France secouée par des attentats djihadistes depuis 2012.
A l'international, le pape François a salué un "geste généreux et courageux" et le président américain Donald Trump a rendu hommage à un "grand héros".
Sorti major de sa promotion de l'Ecole militaire interarmes de Saint-Cyr Coëtquidan en 1999, Arnaud Beltrame avait pris ses fonctions en août dernier au commandement du groupe de gendarmerie de l'Aude. Au cours de sa carrière, il a notamment été déployé en Irak en 2005 où il fut décoré de la croix de la valeur militaire puis commandant de compagnie au sein de la Garde républicaine assurant la sécurité du palais de l’Elysée.
Au total, quatre personnes ont été tuées et 15 autres blessées dans les attaques commises à Carcassonne et Trèbes vendredi par Radouane Lakdim, dont le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a répété mercredi qu'il avait trompé les services de renseignement en passant brusquement à l'acte.
POLÉMIQUE
L'assaillant, âgé de 25 ans et qui s'est présenté comme un "un soldat de l'Etat islamique", a été abattu lors de l'assaut donné par le GIGN dans le supermarché où il s'était retranché, alors qu'il venait d'ouvrir le feu sur Arnaud Beltrame. Sa compagne a été mise en examen dans l'enquête.
La vague d'émotion n'a pas empêché un début de polémique sur la stratégie antiterroriste du gouvernement, alimentée par les chefs de file des Républicains Laurent Wauquiez et du Front national Marine Le Pen, qui ont taxé Emmanuel Macron de "naïveté" et réclamé une réponse ferme.
La France surmontera la bataille du terrorisme islamiste "sans faiblesse et sans emportement, avec lucidité et avec méthode", a déclaré le chef de l'Etat. "Nous l'emporterons grâce au calme et à la résilience des Français, peuple rompu aux morsures de l'Histoire, patient dans le combat, confiant dans le triomphe ultime du droit et de la justice".
S'adressant à une "jeunesse de France qui cherche sa voie et sa place, qui redoute l'avenir et se désespère de trouver en notre temps la faim d'absolu", le chef de l'Etat a appelé à prendre exemple sur l'acte "héroïque" d'Arnaud Beltrame.
"L'absolu est là devant nous", a-t-il dit. "Il n'est pas dans les errances fanatiques où veulent vous entraîner des adeptes du néant, dans le relativisme morne. Il est dans le service, dans le don de soi, dans le secours porté aux autres, dans l'engagement pour autrui".
(Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)