par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Après avoir innové en 2011, en organisant les premières élections primaires ouvertes en France, le Parti socialiste est mis au défi de mobiliser en un mois et demi des électeurs de gauche déçus par le quinquennat de François Hollande.
La primaire de la droite, fin novembre, a placé la barre très haut en mobilisant 4,4 millions de votants, qui ont investi à une majorité écrasante François Fillon pour l'élection présidentielle du printemps 2017.
Un succès dû au sentiment de la droite qu'elle désignait le probable vainqueur de 2017, à une campagne au long cours, qui a permis à chaque candidat de détailler ses propositions, à leur statut d'opposant et à une capacité de rassemblement dont les candidats de gauche se sont jusqu'ici montrés incapables.
"Le niveau de participation à la primaire du PS sera fondamental", estime Jean Chiche, du centre de recherche de Sciences Po Paris (Cevipof). "Si on est à peine à un million, on pourra dire que le PS n'a plus de base populaire."
"Ce n'est pas un candidat sortant de la primaire avec aussi peu de voix qui serait capable de porter le camp du progrès", renchérit le député socialiste Philippe Duron.
La porte-parole du PS, Corinne Narassiguin, admet qu'en dessous d'un million de votants, "tout le monde considèrera que c'est un échec" et que cela jettera un doute sur la capacité du candidat désigné à créer une dynamique favorable.
La référence, pour les dirigeants socialistes, reste les 2,6 millions de votants au premier tour de la primaire de gauche en 2011 et les 2,9 millions de participants au second tour.
Mais le contexte est radicalement différent, souligne la secrétaire d'Etat chargée de l'aide aux victimes et ancienne porte-parole du PS Juliette Méadel.
"La gauche avait le vent en poupe. C'était l'alternance qui se préparait (...) C'était une première primaire avec tous les partenaires de la gauche et la première fois qu'on invitait tous les Français à voter même s'ils n'étaient pas au PS", dit-elle.
PARTICIPATION INCERTAINE
"Là, la campagne va être très courte et il y a la présence de deux candidats dans le spectre de gauche, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron (qui refusent de participer à la primaire)."
Dans cette configuration, elle estime que le nombre de participants à la primaire de gauche sera "probablement en dessous" des 2,5 millions de 2011.
"Je pense que si on arrive à mobiliser au moins un bon million, ça sera une bonne participation. Il faut être réaliste dans le contexte", a-t-elle estimé mardi lors de la présentation par l'Ifop d'un sondage sur le rapport des forces politiques.
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a placé sur France Culture la barre plus haut, "aux alentours de deux millions", pour créer une dynamique permettant au candidat désigné de devancer Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle.
Quant à l'ancien ministre Arnaud Montebourg, principal rival de l'ex-Premier ministre Manuel Valls, il envisage carrément une participation approchant les trois millions de votants.
Le député socialiste Christophe Borgel, responsable de l'organisation de la primaire, se garde bien de faire des pronostics et se borne à citer des sondages faisant état d'une participation oscillant entre 4% et 8% du corps électoral, soit 1,8 à 3,6 millions de votants.
Mais pour Corinne Narassiguin, le niveau de participation de 2011 paraît hors d'atteinte, compte tenu de l'état de division de la gauche et "parce qu'il est plus difficile de mobiliser quand on est dans la majorité que dans l'opposition".
En tout état de cause, souligne-t-elle, cette mobilisation dépendra de la qualité des débats entre les candidats.
"Si c'est juste une foire d'empoigne autour du bilan du quinquennat, les gens n'auront pas envie de voter", dit-elle.
(Edité par Yves Clarisse)