par Laila Bassam et John Davison
ALEP, Syrie/BEYROUTH (Reuters) - La résistance des rebelles freinait jeudi la progression de l'armée syrienne à Alep, mais le régime de Damas estime que la reconquête de la métropole du nord de la Syrie est en vue et qu'elle changera le cours de la guerre.
Les forces loyalistes ont enregistré des succès foudroyants au cours des derniers jours et repris la vieille ville, mais elles se sont heurtées jeudi à des groupes d'insurgés à l'ouest et au sud de l'ancienne citadelle.
En dehors d'Alep, l'armée syrienne et ses alliés redoublaient également leurs attaques contre d'autres bastions rebelles dans les régions d'Idlib et Deraa.
Dans une interview accordée au journal syrien Al Watan, le président syrien Bachar al Assad a déclaré que la reprise d'Alep allait changer le cours du conflit mais ne signifiait pas la fin de la guerre.
La Russie cherche à s'accorder avec les Etats-Unis sur l'évacuation des insurgés encore présents dans la partie orientale de la ville, où se trouvent également des dizaines de milliers de civils menacés par les combats.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov en a parlé mercredi soir à Hambourg avec le secrétaire d'Etat américain John Kerry, qui a dit avoir "bon espoir" de parvenir à un accord tout en attendant de recevoir "certains retours et certaines informations".
"Nous sommes près de nous entendre mais je tiens à mettre en garde contre de trop grandes attentes", a commenté pour sa part le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov.
DES POSITIONS "DIAMÉTRALEMENT OPPOSÉES"
Jan Egeland, chef du groupe de travail de l'Onu sur l'aide humanitaire, a en revanche indiqué que Washington et Moscou avaient des positions "diamétralement opposées" au sujet de l'évacuation des rebelles.
Ces derniers refusent quant à eux de quitter la ville et se disent déterminés à se résister. Un représentant de l'opposition a toutefois reconnu en privé qu'ils allaient sans doute être contraints de battre en retraite pour éviter le massacre des 200.000 civils qui se trouvent toujours dans la partie orientale de la ville, selon l'Onu.
"Aujourd'hui, 150.000 personnes sont menacées d'extermination", a affirmé le président du conseil local d'Alep, Brita Haji Hassan, selon qui les combats des 26 derniers jours ont fait plus de 800 morts et 3.000 à 3.500 blessés.
"Nous lançons un appel à un arrêt des bombardements et à un sauf-conduit pour tous", a-t-il dit lors d'un déplacement à Genève, où il rencontrera lundi l'émissaire des Nations unies pour la Syrie Staffan De Mistura.
Un journaliste de Reuters présent à Alep a déclaré que les forces gouvernementales bombardaient jeudi après-midi les positions rebelles dans le sud-ouest de la ville, d'où s'élevaient des colonnes de fumée.
Les médias officiels syriens ont déclaré que l'armée et ses alliés avaient lancé des attaques dans les quartiers de Soukkari, Kalasa et Boustan al Kasr, autour de l'ancienne citadelle. Un représentant rebelle a déclaré que les attaques sur Kalasa et Boustan al Kasr avaient été repoussées.
"TOUT TRANSFORMER EN DÉSERT"
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, les forces loyalistes, qui ont conquis plus des deux tiers d'Alep-Est ces deux dernières semaines, n'ont enregistré jeudi aucun gain territorial.
Taoufik Chamaa, un responsable de l'Union syrienne des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM), a déclaré que 1.500 personnes avaient besoin d'une évacuation médicalisée.
Le CICR (Comité international de la Croix-Rouge), qui réclame un cessez-le-feu pour permettre une intervention humanitaire, rappelle que la situation à Alep est "catastrophique".
La Turquie a également fait savoir qu'elle menait des négociations "intensives" avec Moscou en vue d'une trêve.
La guerre en Syrie, qui a commencé en 2011, a fait des centaines de milliers de morts et plus de 11 millions de déplacés, tout en favorisant l'émergence de l'organisation Etat islamique (EI), qui contrôle l'est du pays.
Le chef des services de renseignement extérieurs britanniques (MI6), Alex Younger, a prévenu jeudi que l'EI continuait à planifier des attentats à l'étranger "sans même avoir à quitter la Syrie".
"La Russie et le régime syrien cherchent à tout transformer en désert, et appellent cela la paix. C'est là une tragédie humaine déchirante", a dit le patron du MI6. "Nous ne pourrons être à l'abri des menaces qui proviennent de ce pays tant que la guerre civile n'aura pas pris fin", a-t-il continué.
(Avec Jack Stubbs à Moscou, Reuters TV à Hambourg, Stephanie Nebehay à Genève, Tulay Karadeniz et Humeyra Pamuk à Ankara,; Pierre Sérisier, Jean-Philippe Lefief et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)