PARIS (Reuters) - Le mécanisme européen de compensation financière Instex, qui doit permettre la poursuite de transactions commerciales avec l'Iran en dépit des sanctions américaines, ne pourra entrer en vigueur tant que Téhéran ne prendra pas des mesures contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, a déclaré mercredi une source diplomatique française.
Annoncé le 31 janvier par Paris, Berlin et Londres, Instex (Instrument in Support of Trade Exchanges) doit permettre aux trois capitales européennes de contourner les sanctions rétablies par Washington contre Téhéran sans recourir au dollar et de maintenir Téhéran dans le cadre de l'accord de 2015 sur son programme nucléaire iranien.
Sa mise en place est notamment conditionnée à la mise en oeuvre par Téhéran du plan d'action du groupe d'action financière international (Gafi, ou FATF en anglais) qui a sommé en juin la République islamique de prendre "d'ici octobre" une série de mesures contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Approuvé en 2018 par le Parlement iranien, un projet de loi portant sur ces questions a été par la suite rejeté par le Conseil des gardiens de la Constitution qui a estimé que ce texte empêcherait tout soutien financier au Hezbollah libanais, allié de l'Iran et classé organisation terroriste par Washington.
Rien n'a bougé depuis - le Conseil de discernement a certes approuvé début janvier le projet de loi mais il ne s'agit que d'une instance consultative iranienne.
"A ma connaissance, la structure miroir iranienne n'est toujours pas opérationnelle", a déclaré la source diplomatique française. "Le jour où les Iraniens auront signé ce qu'il faut des conditions du Gafi on en reparlera, le jour où on sera sûrs que lors de la première transaction réalisée à travers Instex, les Américains ne mettent pas sous sanction la structure miroir iranienne, on en reparlera."
"On peut toujours dire 'c'est la faute d'Instex', dire que les 'Européens ne font rien', mais la réalité c'est que c'est un rapport de forces politique", a ajouté cette source. "Nous on a des opérations qui sont prêtes à être menées dans le cadre d'Instex".
Le mécanisme a été conçu pour se concentrer, dans un premier temps, sur les secteurs les plus essentiels pour la population iranienne (produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux et produits agroalimentaires) et ne concernera donc pas le pétrole.
Ali Asghar Nouri, le président de la société miroir iranienne (STFI, ou SATMA en persan), qui a été enregistrée en mars à Téhéran, a assuré en mai que l'Iran n'était en rien responsable du retard pris dans la mise en place d'Instex et a renvoyé la responsabilité sur les Européens.
"Symboliquement, les Iraniens préfèrent montrer qu'Instex ne marche pas parce que ça leur permet, pensent-ils, de maintenir la pression sur nous", estime la source diplomatique française.
(Marine Pennetier, avec John Irish, édité par Sophie Louet)