BOULOGNE-SUR-MER, Pas-de-Calais (Reuters) - Béatrice Huret, ancienne militante du Front national, a été reconnue coupable mardi d'avoir aidé un migrant iranien à passer en Angleterre en bateau, par amour dit-elle, mais le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) l'a dispensée de peine.
L'histoire de cette ex-aide-soignante de 44 ans reconvertie dans la formation d'adultes, veuve d'un policier et mère d'un garçon, a déjà été racontée dans un livre, "Calais mon amour". Une "love story" improbable sur fond de "jungle" de Calais.
Cette femme à longue chevelure noire avait pris sa carte au parti d'extrême droite en 1995. "Je n'étais pas vraiment raciste mais franchement inquiète de tous ces étrangers, si différents, qui déferlaient en France", a-t-elle raconté à Libération.
Sa vie bascule en février 2015 quand elle prend en auto-stop un jeune migrant et le dépose dans le camp aujourd'hui démantelé où vivaient des milliers de candidats au passage clandestin en Angleterre, la "jungle", près de Calais.
Choquée par les conditions de vie de ces migrants, elle y revient régulièrement apporter de l'aide et c'est là que son regard croise un jour celui de Mokhtar, un chrétien d'Iran âgé de 34 ans, professeur dans son pays, arrivé à l'automne 2015.
Il fait alors partie de migrants qui se sont cousu la bouche pour dénoncer les conditions de vie dans le camp.
Malgré la barrière de la langue, Béatrice Huret et Mokhtar nouent une relation amoureuse. Mais le jeune Iranien n'a pas renoncé à se rendre en Angleterre.
Béatrice Huret l'aide à acheter un petit bateau de plaisance, payé 1.000 euros, et à embarquer avec deux autres Iraniens pour traverser la Manche, le 11 juin 2016. Les trois hommes sont secourus par des garde-côtes anglais.
C'est pour ces faits qu'elle a été reconnue coupable - elle a été relaxée pour le reste.
"Je savais qu'il ne fallait pas le faire mais je ne m'attendais pas à des conséquences pareilles", a raconté Béatrice Huret à Reuters.
Arrêtée le 18 août 2016 sur son lieu de travail, puis placée sous contrôle judiciaire, elle était jugée mardi pour "aide au passage illégal en bande organisée".
"C'est le truc qui me gêne le plus d'être mise dans un sac avec des gens qui (...) profitent de la misère des réfugiés", confiait-elle à Reuters avant le procès, tout en déclarant assumer ses actes.
Elle a réussi à rendre régulièrement visite à Mokhtar à Sheffield, où il vit désormais, et tous deux sont également restés quotidiennement en contact par webcam.
(Camille Verdier et Clotaire Achi, édité par Emmanuel Jarry)