PARIS (Reuters) - La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a démenti mercredi avoir tenté d'"enterrer" un audit alarmiste sur une soirée organisée en janvier 2016 à Las Vegas autour d'Emmanuel Macron par Business France, établissement visé par une enquête préliminaire pour "délit de favoritisme, complicité et recel".
Selon l'édition de mercredi de Libération, Muriel Pénicaud, qui fut directrice générale de Business France de janvier 2015 à mai 2017, a attendu décembre 2016 pour informer les instances internes de contrôle et les ministères concernés - Economie et Affaires étrangères - de dysfonctionnements dans la procédure.
Business France est un établissement public chargé de la promotion des entreprises françaises à l'étranger.
Le quotidien affirme par ailleurs que le cabinet d'Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, s'était directement impliqué dans l'organisation de cette coûteuse soirée de promotion des start-ups françaises, alors que ce dernier et Muriel Pénicaud ont toujours nié toute intervention de Bercy.
"Le cabinet d'Emmanuel Macron à l'époque n'avait pas à décider de la manière dont s'organisaient les appels d'offres de l'Etat", a-t-on déclaré mercredi dans l'entourage du chef de l'Etat, qui s'est refusé par ailleurs à tout "commentaire sur une enquête préliminaire".
"Il y a eu une erreur de procédure dans une équipe, ça peut arriver sur 500 conventions par an. J'ai immédiatement déclenché un audit interne et externe. Il y a eu ensuite une inspection générale qui a confirmé qu'effectivement il y avait eu une erreur et d'autre part que j'avais pris les bonnes mesures", a réagi Muriel Pénicaud sur RTL.
"C'est moi qui ai alerté le conseil d'administration, c'est moi qui ai déclenché l'audit. C'est une blague!", a-t-elle répondu à l'évocation d'une possible tentative de dissimulation.
Selon Libération, Muriel Pénicaud a commandé un audit en février 2016 après une alerte interne - la soirée s'était déroulée le 6 janvier.
L'audit externe, réalisé par le cabinet EY (ex-Ernest&Young), lui est remis en juillet. Il relève des anomalies et retranscrit notamment des échanges de mails qui "ne laissent aucun doute sur l'implication du cabinet du ministre de l'Economie", précise Libération, qui a pu consulter le document.
"PLACARD"
Fabienne Bothy-Chesneau, alors directrice exécutive chargée de la communication et de la promotion à Business France, s'en irrite d'ailleurs.
"Nous comprenons que la définition exacte des besoins a pu être en partie déterminée par des personnes extérieures à Business France, en particulier le cabinet du ministre de l'Economie", note EY, selon un extrait publié par Libération.
Ce rapport daté du 28 juillet "va dormir dans le placard de Muriel Pénicaud pendant encore quelques mois", affirme le quotidien.
C'est en décembre que le contrôleur économique et financier de Business France "découvre la situation et refuse alors de signer la transaction, puis alerte les ministères de tutelle."
Le nouveau ministre de l'Economie, Michel Sapin, saisira l'Inspection générale des finances le 21 décembre. L'auteur du rapport, qui recouvre les conclusions de l'audit, fera un signalement au parquet fin février. L'enquête préliminaire a été ouverte le 13 mars après que Le Canard enchaîné eut publié des extraits du document de l'IGF.
Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, avait exclu le 21 juin que Muriel Pénicaud quitte le gouvernement, alors que quatre ministres visés par des enquêtes judiciaires l'ont fait.
"Muriel Pénicaud, qui était directrice générale, a provoqué immédiatement un audit, puis une inspection générale, puis l’Inspection générale a validé un accord, et c’est elle qui a donné cette information, donc je ne suis pas inquiet sur les conséquences de cette information", avait-il dit sur Europe 1.
"Je pense que ça a été une directrice de Business France exceptionnelle qui elle-même a déclenché tous les voyants quand il y a eu une anomalie", avait-il ajouté.
(Sophie Louet avec Marine Pennetier et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)