BRUXELLES/PARIS (Reuters) - La candidature de la Française Sylvie Goulard au poste de commissaire européenne au Marché intérieur, entachée par le soupçon, a été rejetée jeudi par le Parlement européen, un camouflet pour Emmanuel Macron.
Les eurodéputés ont rejeté sa candidature par 82 voix contre 29, et une abstention, à la suite d'une seconde audition de l'ancienne ministre des Armées, qui n'a pas convaincu.
La présidence française a pris acte sans délai de cette décision tout en déplorant que sa candidate, dont la désignation avait suscité d'emblée des réserves dans les rangs diplomatiques, ait "fait l'objet d'un jeu politique".
Les conservateurs du Parti populaire européen (PPE), la première force politique du Parlement européen, avaient fait savoir dès la mi-journée qu'ils s'opposeraient à sa nomination au poste de commissaire au Marché intérieur, à l'industrie, au numérique, à la défense et à l'espace.
Emmanuel Macron a dit ne pas comprendre l'issue de la procédure, blâmant "ressentiment" et "petitesse" parmi les eurodéputés, et a mis en cause à demi-mot la présidente élue de la Commission européenne, l'Allemande Ursula Von Der Leyen, qu'il assure avoir mise en garde.
"J'ai proposé trois noms à la présidente Von der Leyen, qui m'a dit : 'Moi je veux travailler avec Sylvie Goulard, je la connais, je sais ce qu'elle vaut'", a rapporté le président lors d'une conférence de presse à l'issue de la conférence du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à Lyon.
"J'ai dit à la présidente Von der Leyen : 'Attention! Sylvie Goulard est une femme d'une grande probité (...) (mais) il y a des polémiques, je connais les gens qui peuvent créer des polémiques", a poursuivi Emmanuel Macron.
"Ursula Von Der Leyen m'a dit 'Je vais appeler les présidents des groupes parlementaires pour leurs demander. (...) Puis elle m'a rappelé et dit: 'C'est bon, ça leur va, Mme Goulard.'"
La présidente a précisé dans un communiqué avoir rencontré les présidents des groupes PPE, S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates) et Renew Europe, ainsi que le président du Parlement, "pour discuter de la situation".
REGRETS
"Une procédure légale en cours dont vous estimez qu’elle ne vous permet pas d’occuper une fonction ministérielle dans votre pays ne peut vous permettre d’exercer une éminente responsabilité en Europe. C’est l’arrogante transgression de cette évidence qui a fait chuter S.Goulard", a réagi sur Twitter (NYSE:TWTR) l'eurodéputé Arnaud Danjean (PPE-Les Républicains).
La nouvelle Commission européenne doit entrer en fonction le 1er novembre. La tâche se complique pour sa présidente qui devait déjà composer avec le rejet des candidatures de la Roumaine Rovana Plumb et du Hongrois Laszlo Trocsanyi, invalidées en septembre pour des conflits d'intérêts présumés.
Sylvie Goulard s'était de nouveau heurtée jeudi matin à la défiance d'une partie des eurodéputés lors d'une ultime audition voulue par les élus après un premier oral, le 2 octobre, qui n'était pas parvenu à lever le scepticisme sur deux "affaires".
L'ancienne députée européenne (2009-2017) est sous le coup de deux enquêtes - une de la justice française et une de l'Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) - pour l'affaire des emplois présumés fictifs des eurodéputés MoDem, qui l'avait contrainte à démissionner du gouvernement français en juin 2017, après un mois d'exercice.
Les réserves des députés, qui évoquaient un possible conflit d'intérêts, concernaient en outre son travail de "consultante", entre 2013 et janvier 2016, pour l'institut Berggruen, un "think tank" fondé par le milliardaire américano-allemand Nicolas Berggruen, pour plus de 10.000 euros bruts par mois.
Sylvie Goulard a de nouveau fait valoir jeudi que si "l'usage" veut en France qu'un ministre mis en examen démissionne, "un tel usage n'existe pas dans les institutions européennes".
Quant à son travail pour l'institut Berggruen, Sylvie Goulard a dit regretter "profondément que cette activité de deux années ait pu jeter le doute sur un engagement européen ancien, sur mon intégrité, sur ma capacité à agir de manière indépendante."
(Sophie Louet et Michel Rose avec le bureau de Bruxelles, édité par Henri-Pierre André)