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Back to basics. La dramatique dépendance de l’Europe en produits vitaux

Publié le 12/05/2021 07:18
Mis à jour le 14/05/2017 12:45

L’affaire des masques l’a cruellement montré. L’Europe dépend trop de l’étranger pour son approvisionnement en produits essentiels. Principal pays visé, la Chine. Les solutions sont pourtant connues. Il faudrait pouvoir relocaliser certaines industries critiques. Reconstituer les stocks de produits stratégiques. Diversifier les sources d’approvisionnement. Mais l’Europe en a-t-elle les moyens ? Son avenir se joue aussi là-dessus.

La pénurie de masques au printemps 2020 restera sans doute comme l’un des faits marquants de cette pandémie. Pendant de longues semaines, les dirigeants européens furent au bord de la panique. A court de masques mais aussi de kits de dépistage et de ventilateurs, les médecins manquèrent de munitions pour combattre efficacement le virus. Alors que le virus se propageait de manière incontrôlable, les responsables n’eurent d’autre solution que de rationner les masques et de réserver leur utilisation au seul secteur hospitalier. Dans la foulée, ils prétendirent – en s’appuyant sur le premier avis de l’OMS - que le port du masque était inutile pour ceux qui ne manifestaient aucun symptôme apparent, ce qui ne fit qu’aggraver la situation.

Pour beaucoup, cette situation dramatique fut une piqure de rappel. Il n’en fallait pas plus pour prendre conscience de l’extraordinaire dépendance de l’Europe envers les sources d’approvisionnement étrangères, notamment celles de Chine. C’est d’elle que dépendait la livraison des masques. L’Europe, l’une des trois grandes puissances économiques de la planète étalait au grand jour son extrême vulnérabilité, telle une plaie ouverte.

Les causes de cette pénurie sont à la fois structurelles et conjoncturelles. Structurelles car pour réaliser des économies au niveau des coûts de production, les Européens avaient abandonné depuis longtemps à l’Asie des pans entiers de leur tissu industriel.  Conjoncturelles car frappés par la pandémie deux mois avant les Occidentaux, les Chinois en avaient profité pour assécher les stocks de masques sur le marché mondial. Prévoyant ensuite que le virus allait se propager, ils s’étaient mis à fabriquer massivement des masques, allant même jusqu’à convertir certaines lignes de production de leurs usines automobiles et de smartphones.

Le plus étonnant dans l’affaire, c’est que l’Europe ne manquait pas de ressources pour réagir. Au détour d’un article du Financial Times, on apprenait qu’Innovatec, une entreprise allemande, était le leader européen du meltblown (textile non tissé) entrant dans la fabrication des masques chirurgicaux. Et que les Chinois se fournissaient auprès d’une autre entreprise allemande, Reifenhäuser Reicofil, pour obtenir des machines servant à la fabrication du meltblown.

Ces deux firmes allemandes, typiques de la « Mittelstand », ce riche tissu d’entreprises leaders dans leurs niches spécialisées, sont la preuve que l’Europe a les moyens de devenir auto-suffisante, à condition d’en avoir l’ambition. Car la dépendance à l’égard de la Chine dans les secteurs vitaux est l’une des principales menaces qui pèsent sur l’Occident. Les Chinois ne cachent même pas leur volonté d’accroître cette dépendance afin qu’elle leur serve de monnaie d’échange et de moyen de pression. Ainsi que l’a déclaré Xi Jinping : « Nous devons renforcer la dépendance des chaines logistiques de production à l’égard de la Chine, en vue d’établir une capacité de dissuasion et une contre-mesure puissante vis-à-vis des pays étrangers, en mesure de suspendre sous de faux prétextes leurs approvisionnements à la Chine ».

En d’autres termes, alors que la Chine s’efforce d’atteindre l’auto-suffisance dans les secteurs hautement stratégiques, - de la 5G aux centrales nucléaires, des véhicules électriques aux super-ordinateurs, - l’Occident et notamment l’Europe restent encore très dépendants de la Chine quant à l’approvisionnement en matériaux et composants critiques tels les substances actives des médicaments et les terres rares.

L’Occident accro aux substances actives chinoises

Pour des raisons de profitabilité, les grandes firmes pharmaceutiques européennes ont décidé il y a une trentaine d’années d’externaliser en Chine la fabrication des substances actives (API), ces composants chimiques entrant dans la fabrication des médicaments et qui leur confèrent leur efficacité. C’est le cas des API d’un grand nombre de médicaments génériques : les antibiotiques comme l’amoxicilline (32% de la consommation d’antibiotiques en France) : les anti-douleurs comme l’aspirine et le paracétamol ; les vaccins contre l’hépatite B et même des traitements anti-cancéreux comme le busulfan.

Les Etats-Unis ne sont guère mieux lotis. 80% des API des antibiotiques vendus sur le sol américain sont fabriqués en Chine, laquelle contrôle également 95% de la production de l’ibuprofène, 91% de l’hydrocortisone et 45% de la pénicilline. Une rupture, délibérée ou non, de l’approvisionnement de ces substances aurait des conséquences incalculables. Un embargo perturberait gravement le fonctionnement des hôpitaux, y compris des hôpitaux militaires. En cas d’aggravation des tensions entre la Chine et les Etats-Unis, on imagine facilement le moyen de pression et de chantage que représente cette mainmise sur la santé des Américains. A telle enseigne qu’un sénateur comme Adam Schiff a déclaré que cette situation représentait une véritable menace contre la sécurité des Etats-Unis.

Même si l’Inde, surnommée « la pharmacie du monde », devance la Chine dans la mise au point de produits finis, elle dépend cependant à 70% des API de fabrication chinoise. Et malgré tous ses efforts en termes d’investissements, l’Inde n’a jamais réussi à reprendre ce monopole à la Chine. Les immenses capacités de production de la Chine, sa grande diversité de climats permettant de recueillir une large gamme d’ingrédients, les subsides généreux de l’Etat, tous ces facteurs jouent en faveur de la Chine. Et quand on sait que 160 milliards d’euros tomberont dans le domaine public entre 2021 et 2025 suite à l’expiration des brevets sur certaines molécules, la domination chinoise dans le domaine des API ne risque pas de s’évaporer de sitôt.

Alors, que faire pour contrer cette menace ?  Comment rapatrier en Europe la production des API sans augmenter dans la foulée les coûts de production et par conséquent, les prix des médicaments ? En tout état de cause, cela nécessiterait des investissements énormes, qui ne pourraient être réalisés qu’à l’échelle européenne, en partenariat avec le Big Pharma.

Les terres rares, nouvelle corne d’abondance

Les métaux et terres rares appartiennent à un autre univers que les API mais ils sont vitaux pour la santé économique d’un pays. Ils entrent dans la fabrication des fibres optiques, des panneaux solaires, des éoliennes, des aimants, des batteries électriques, des ordinateurs et des smartphones. Bref, un grand nombre de produits technologiques nécessaires à la transition énergétique dépendent de ces matériaux. L’industrie militaire en est également une grande consommatrice. La construction d’un F-35 nécessite l’apport de 417 kg de terres rares.

Or là aussi, la Chine contrôle l’essentiel de ces ressources. Elle possède 66% de tous les métaux, minerais et matières premières considérés comme « critiques ». Quant à l’Europe, elle importe de Chine 98% de ses terres rares. En plus de détenir le quasi-monopole sur l’extraction des terres rares, la Chine domine également son processus de raffinage.

Certes, l’Europe dépend également d’autres pays pour ses importations de matières premières critiques : l’Afrique du Sud pour l’iridium, le platinium ou le rhodium ; le Chili et l’Australie pour le lithium ; la Turquie pour le borate et l’antimoine ; la République Démocratique du Congo pour le cobalt. Mais c’est la Chine qui pose problème car elle pourrait utiliser le levier de ces matériaux indispensables pour marquer des points géopolitiques et serait en mesure de couper le robinet en cas de conflit plus sérieux.

On en a eu un avant-goût en 2019. Alors que la guerre tarifaire enclenchée par Donald Trump battait son plein, le président chinois Xi Jinping a rendu ostensiblement une visite à une usine de raffinage de terres rares, manière de signaler à Washington que la Chine possédait une arme autrement plus dissuasive qu’une hausse de droits douaniers. Plus récemment, le ministère de l’Industrie et des Technologies de l'information a durci sa règlementation concernant l’exportation des terres rares chinoises, une réponse probable à l’opposition de Washington à la vente de matériel sensible à la Chine, notamment certains semi-conducteurs de pointe.

En Europe aussi, on sent venir le danger et on tente de réfléchir aux moyens de se rendre moins dépendant. En octobre 2020, Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur a inauguré l’Alliance européenne des matières premières, une initiative industrielle destinée à développer l’autonomie de l’Europe dans le domaine des matériaux critiques. Premier objectif pour l’UE : devenir auto-suffisante dès 2025 en ce qui concerne l’extraction et la transformation du lithium, composant essentiel des batteries électriques. On estime que les besoins en lithium seront multipliés par 18 d’ici 2030.

La pénurie d’équipements médicaux durant la pandémie a conduit l’Europe à faire son examen de conscience. A l’avenir, elle espère pouvoir compter davantage sur ses propres forces et devenir plus résiliente. Plusieurs stratégies sont possibles pour se rendre moins dépendante. Diversifier ses approvisionnements. Rapatrier certaines activités sur le sol européen. Augmenter les stocks stratégiques. Investir dans le développement d’industries nouvelles ou alternatives. Fédérer les forces du public et du privé. Agir à l’échelle européenne. Conclure des alliances entre pays partageant des intérêts géopolitiques communs. Reste encore la volonté politique d’aboutir.

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