Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le premier semestre est pratiquement terminé et les permabulls ont encore triomphé. Wall Street continue d’encaisser les coups comme un avatar de jeu vidéo.
Les opérateurs avancent comme sous la mitraille, leur écran se teinte de rouge quand leur super-warrior est touché par un projectile… mais au bout de quelques secondes – et au prix de quelques points de vie perdus – le voici de nouveau apte au combat.
Vite revigoré, il reprend son inexorable marche en avant, détruisant les obstacles au bazooka, carbonisant les vendeurs au lance-flamme algorithmique… et faisant fi des menaces de guerre commerciale ou de guerre tout court proférées par Donald Trump à l’encontre de l’Europe, de la Chine, de l’Iran ou de quiconque oserait exiger le respect des traités signés par les Etats-Unis.
▶ La FED n’a pas pris les investisseurs en traître
Wall Street a surtout su résister à la dégradation du marché obligataire (le T-Bonds est passé de 2,45 à 2,95%, soit une hausse de 50 points de base), et notamment des taux courts avec un 2 ans qui a grimpé de 0,70 point, soit l’équivalent de presque trois tours de vis monétaires, à 2,56%…
Ce renchérissement des taux longs qui pénalise les souscripteurs de prêts hypothécaires et de prêts étudiants, et ce renchérissement des taux courts dont pâtissent les spéculateurs et les consommateurs (en particulier ceux qui opté pour le crédit revolving, contractant par exemple des prêts à la consommation sur 24 mois pour des achats d’ameublement ou d’électronique dont les taux d’intérêt peuvent être révisés) n’a pour l’instant pas eu d’impact négatif sur les marchés actions américains.
Personne ne prétend que la hausse des taux américains est indolore, mais elle reste conforme aux attentes : la Fed ne saurait être accusée d’avoir versé un seau d’eau froide sur la tête des investisseurs.
▶ La BCE reste accommodante, mais floue sur le calendrier de la normalisation
Quant à la BCE, elle a promis au terme de sa réunion de la semaine dernière, que l’extinction de son Quantitative Easing (QE) sera aussi douce que la légère brise qui caresse la plage de Malibu au couchant un soir de septembre.
Cette douce brise monétaire devrait par ailleurs continuer de souffler jusqu’à l’été 2019.
Mais attention, car la BCE semble avoir une perception assez souple des « frontières » de l’été. Elle avait ainsi évoqué l’arrêt de son QE à la fin de l’été 2018, or celui-ci sera prolongé jusqu’à fin septembre (il s’agit en l’occurrence de l’été indien) puis réduit de moitié à 15 Mds€ chaque mois jusqu’à fin décembre, c’est-à-dire le milieu de l’été austral.
En d’autres termes, Mario Draghi a bien évoqué la fin de l’été, mais il a oublié de préciser s’il s’agissait de l’été austral ou boréal… Les premiers frimas d’un automne monétaire (comprenez une normalisation des taux) ne sont quant à eux pas attendus avant septembre 2019, ce qui suppose qu’il y aura encore de l’argent gratuit pendant encore 15 mois… voire 18 mois.
▶ Bull Trap sur le CAC40 ?
Entre temps, ce sera l’été, la saison des feux d’artifices. Et si nous ne sommes encore qu’au printemps, Mario Draghi nous a d’ores et déjà offert jeudi dernier, avec cette promesse d’une « normalisation » à la vitesse d’un concombre de mer, un bel échantillon pyrotechnique pour clore en beauté la fin du premier semestre…
A dire vrai, l’essentiel du stock de fusées avait été tiré à la veille de la séance des « 4 sorcières », un petit reliquat venant pétarader joyeusement en début de séance vendredi. C’était sans compter la météo macroéconomique, qui s’est dégradée au fil des heures et a amené les artificiers à annuler la dernière partie du show pour raisons de sécurité.
A Paris, le CAC40 a, quant à lui, enregistré jeudi sa deuxième plus forte progression de l’année (après le rallye du 5 avril), validant au passage un breakout au-delà du corridor 5 420/5 510 points au sein duquel il végétait depuis le 1er juin.
Cette percée préfigurait un nouveau test des 5 560/5 563 points, ce qui fut fait le lendemain matin. Mission accomplie donc, mais ensuite, plus rien : l’indice phare n’a eu de cesse de se dégonfler et a clôturé en repli de 0,5%, au plus bas du jour à 5 501 points… ce qui pourrait faire apparaître le vent d’euphorie de jeudi (+135 points en ligne droite) comme un bull trap.
▶ Le VIX en mode encéphalogramme plat
Et comme tout baigne dans l’excès, dans l’indifférence de la hausse des taux, des moulinets et des bras d’honneur au monde entier de Donald Trump, les marchés adhèrent au postulat que l’on s’habitue à tout et que la trajectoire – inexorablement haussière – des courbes en dit plus long qu’un calcul prévisionnel du risque.
Mais que dit la jauge du risque alors que les investisseurs basculent vers le second semestre ?
Réponse limpide et sans appel du VIX (associé au S&P500) : il affiche un score de 12, synonyme de beau fixe.
Tout le reste n’est que littérature.