La récente dégradation des conditions économiques et le regain de tensions sur les marchés financiers vont amener la BCE à abaisser son taux refi, sans doute dès le mois de mai. Celle-ci améliorerait les conditions de financement pour les banques mais pourrait s’avérer insuffisante pour soutenir la reprise. Les taux d’intérêt des pays périphériques restent trop élevés. Il faudra sans doute faire plus.
Conditions dégradées
Rien n’a été décidé à la réunion d’avril ; le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de maintenir les taux directeurs inchangés mais celle-ci prépare le terrain à de futures actions. Durant la conférence de presse, Mario Draghi a déclaré qu’il y avait eu, au sein du Conseil, une large discussion sur les taux, mais que le consensus s’était dégagé pour le maintien du statu quo «pour l’heure». La BCE pourrait agir selon nous dès le mois de mai. Les conditions économiques plaident déjà pour une baisse des taux. En mars l’inflation a chuté à 1,7%, contre 1,8% en février et 2% en janvier, une baisse qui pourrait continuer. D’après ses dernières projections macroéconomiques, la BCE table sur un taux d’inflation de 1,3% pour 2014, très en deçà de son objectif de stabilité des prix à moyen terme. Une série de facteurs expliquent la faible d’inflation. Tout d’abord, les hausses de TVA pratiquées jusqu’en 2012 vont peu à peu disparaître des glissements annuels de prix. En outre, la morosité économique pèse sur l’inflation. La conjoncture s’est récemment dégradée, les enquêtes étant orientées à la baisse. Mario Draghi a reconnu que la faiblesse de l’économie touchait également les pays du « noyau dur », ce qui pourrait invalider les prévisions de croissance.
Pourquoi la BCE n’a-t-elle pas d’ores et déjà abaissé les taux d’intérêt ? Sans doute voulait-elle préparer les marchés, et évaluer les conséquences économiques des récents événements (impasse politique en Italie, crise chypriote...). Or, les tendances sont médiocres et aucune amélioration ne devrait intervenir dans les prochains mois. Bien que de manière mesurée, les conditions de marchés se sont détériorées (ré-écartement des « spreads », recul des indices actions). Les CDS du secteur bancaire, notamment, se sont élargis dans les pays « périphériques ». La dernière enquête sur la distribution du crédit bancaire de la BCE est, en outre, plutôt décevante.
Utilisation des outils traditionnels pour l’heure...
Un abaissement du taux refi est donc plus que probable. Il pourrait aider les banques qui restent très dépendantes de la liquidité de la BCE, notamment dans les pays périphériques. Mais l’impact sur les taux de marché, déjà proches de zéro, serait marginal. La BCE réalise déjà l'ensemble de ses opérations de refinancement à taux fixe et pour des montants illimités. Cette procédure a créé un excédent de liquidités considérable sur le marché monétaire, maintenant l’Eonia à un niveau proche de zéro, soit la « rémunération » de la facilité de dépôt. Dans ce cadre, le taux appliqué à la facilité de dépôt est devenu le principal taux directeur. Une baisse de ce taux d’intérêt est moins probable dans la mesure où un taux négatif risquerait d’être contre-productif (Cf. Eco-Week du 11 janvier 2013). La BCE reste très préoccupée par la baisse du crédit. Celle-ci tient à des facteurs liés à la fois à la demande et à l’offre. De fait, trois facteurs au moins sont susceptibles de peser sur l’offre de crédit : l’aversion au risque, les difficultés des banques à trouver des financements sur les marchés, et l’insuffisance des fonds propres. La BCE n’a pas vocation à traiter cette dernière question. Sur ce terrain, la mise en œuvre du Mécanisme de Surveillance unique (MSU) et les avancées vers la mise en place d’une Union bancaire, restent des enjeux essentiels. Mais elle a engagé d’importants efforts pour tenter de remédier aux deux premières faiblesses : l’allongement jusqu’à trois ans de la durée de ses prêts, annonce d’un programme d’opérations monétaires sur titres (OMT). On ne peut pas exclure la possibilité qu’elle adopte d’autres mesures pour faciliter les conditions de financement des entreprises, notamment les PME. Une intervention directe sur le marché obligataire est improbable dans la mesure où le secteur bancaire reste le principal canal de financement, mais un nouvel élargissement de la gamme des collatéraux est possible. La BCE pourrait, en outre, s’inspirer du Funding for Lending Scheme (FLS) mis en place par la Banque d’Angleterre en août 2012 (Cf. Eco-Week du 19 octobre 2012).
Que faire de plus ?
En zone euro, les rendements obligataires à 10 ans, qui déterminent le coût de financement des Etats (i), restent supérieurs au taux de croissance nominale du PIB (g). La trajectoire des dettes, est, de ce fait difficile à infléchir ((i) – (g) > 0). C’est exactement l’inverse aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où l’action des banques centrale a permis de faire baisser les taux d’intérêt sur toutes les échéances.
Il faudrait pouvoir en faire autant en zone euro, notamment pour les pays du Sud. Faire remonter le taux de croissance (g) par la relance budgétaire est impossible. Dès lors, seule la baisse des taux d’intérêt sur la dette (i) permet d’en sortir. En l’absence de véritable mutualisation des risques, la BCE reste, à ce jour, la seule en mesure d’agir. Comment ? Le programme OMT pourrait enfin être enclenché, au bénéfice de l’Irlande et éventuellement du Portugal. Si nécessaire, la conditionnalité stricte dont il est assorti pourrait être adaptée. Et la BCE indique qu’elle étudie la possibilité de recourir à d’autres mesures non conventionnelles