Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Il est a priori tentant d’établir un parallèle entre l’entame du mois d’octobre, avec un CAC40 qui s’était délesté de 4,8 % en l’espace de deux séances, et le « sell-off » des 2 et 3 décembre, « diptyque » durant lequel l’indice a reculé de 3 % au total.
La comparaison ne s’arrête cependant pas là, les indices ayant également dessiné un « double-top » (et un double record absolu) à 7 séances d’intervalle avant de décrocher en ces deux circonstances.
En fait, la seule différence apparente entre ces deux séquences réside dans l’amplitude du repli depuis le tout récent zénith. L’impression visuelle est néanmoins démentie par le score algébrique avec – 250 points par rapport au sommet du 27 novembre, à comparer à un écart de – 260 points avec le sommet du 30 octobre.
A Wall Street en revanche, les deux corrections se ressemblent beaucoup sur le plan du « timing », mais ne sont pas pour autant comparables puisque 5% (en moyenne) furent perdus début octobre, contre -2,8% début décembre.
En ce début de mois, la correction est partie d’un tweet de Donald Trump dans lequel il a indiqué qu’il s’accommoderait bien d’un « no deal » avec la Chine jusqu’au scrutin présidentiel de novembre 2020. Etrangement, les actions qui s’en sortent le mieux à ce stade sont toutefois celles des multinationales américaines qui se retrouvent justement à la merci d’une riposte chinoise.
Celle-ci pourrait revêtir la forme de contraintes réglementaires draconiennes, d’une obstruction juridique et/ou d’un harcèlement administratif… En tout état de cause, faire des affaires peut devenir un enfer si Pékin décide de mobiliser à dessein sa toute puissante bureaucratie.
Par ailleurs, les ventes les plus agressives ont pénalisé les valeurs de l’EuroStoxx50 et de l’Eurofirst300, mais pas celles du S&P500.
Donald Trump plombe le luxe… et par extension le CAC40
La sous-performance du CAC40, elle, s’explique prioritairement par la chute des valeurs du luxe à la suite de la menace du président américain de taxer certains produits français à 100%, ce qui est évidemment grotesque et déclencherait une véritable guerre commerciale transatlantique.
Autrement dit, rien ne change : les gérants américains liquident sans états d’âme leurs lignes de valeurs libellées en euro, de façon à maintenir le Nasdaq et le S&P500 dans leur canal haussier et afin de prévenir toute cassure de support qui pourrait affoler les « algos ».
Le colmatage a du reste parfaitement fonctionné puisque l’envol de 50% de la volatilité sur le « VIX » en deux séances et demi (de 11,5 vers 17,5, en 2 séances) n’a pas contaminé l’indice élargi américain auquel il est associé.
Ainsi, après la déconnexion d’avec la conjoncture économique, puis les profits des entreprises, puis la guerre commerciale, voilà que se dessine un improbable divorce avec les « grands attracteurs techniques » et notamment la boussole de la volatilité.
Les banques centrales veillent chaque jour à ce qu’elle demeure ridiculement basse et même lorsqu’elle semble échapper à leur contrôle, Wall Street ne s’en émeut pas, accueillant ce regain de nervosité comme un épiphénomène. Un toussotement au milieu d’une symphonie haussière, mais surtout pas une absence du chef d’orchestre qui perdrait le fil de la partition et transformerait le chef-d’œuvre en cacophonie.
Le réel semble ne plus pouvoir exercer la moindre force de rappel et c’est exactement ce qui caractérise une “bulle”. Quant à l’absence d’euphorie invoquée par tous les « permabulls », elle importe finalement peu : que vous suiviez une foule emportée par un vent d’euphorie ou poursuiviez votre rêverie solitaire sous l’effet de l’opium, vous ne voyez pas venir le risque.
Vous ignorez même qu’un risque puisse exister et vous en oubliez jusqu’à la définition de son concept.
A la question « qu’est-ce que le risque ? », la seule réponse est aujourd’hui à peu près celle-ci : ce que les banques centrales ont aboli.