Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Les derniers jours ont été extrêmement calmes sur les marchés. On se croirait presque à la mi-août quand tout le monde est en vacances. Il y a une vieille expression à Wall Street, sell in May, and go away. L’idée est que vous pouvez vendre vos positions en mai, et revenir sur les marchés plus tard, à la rentrée, les prix n’auront pas bougé au final. Pour l’instant, en effet, rien ne bouge. Les marchés font du sur-place et attendent le prochain catalyseur. A mesure que j’étudie le contexte, je me dis que nous pourrions ne pas avoir à attendre très longtemps…
Depuis le début de la semaine, l’euro s’envole face au dollar, et la paire EURUSD affiche désormais plus de 1,11 $. Le soulagement de l’élection d’Emmanuel Macron a permis à l’euro de se libérer de la zone des 1,08 $ et depuis le début de la semaine, nous observons deux phénomènes qui accentuent ce mouvement :
Emmanuel Macron a rencontré Angela Merkel et on sait que les premiers échanges ont été rassurants quant à la volonté des deux dirigeants de tout faire pour préserver la zone euro ;
d’autre part, les Etats-Unis sont en train de sombrer dans une mascarade politique avec Trump qui est accusé d’avoir dévoilé des secrets d’Etats lors de sa rencontre avec des dirigeants russes. Cela fait suite évidemment au scandale du limogeage du directeur du FBI, James Comey, qui aurait voulu en savoir un peu trop sur les relations de l’équipe de Trump avec les Russes… alors que Trump lui aurait demandé de laisser tomber. Je vous en reparlerai ultérieurement, mais cela joue sur le climat de nervosité des marchés et notamment sur le dollar.
Logiquement l’or, qui avait abandonné un peu de terrain début mai, jusqu’à 1 217 $ l’once, rebondit parfaitement face à ces incertitudes. Les tendances haussières sont préservées (les points hauts sont de plus en plus hauts et les points bas de plus en plus hauts) depuis le creux du 14 décembre 2016, indiquant que la prochaine étape sera à plus de 1 300 $.
Les actions et les bons du Trésor sont globalement stables avec certains jours haussiers, d’autres baissiers, selon l’histoire du jour.
Le Dow Jones Industrials n’a toujours pas franchi son dernier plus-haut du 1er mars 2017, bien qu’il flirte autour de cette zone.
La volatilité mesurée par le VIX est au plus bas depuis 1993.
Le ratio CAPE de Shiller qui mesure la valorisation des actions est au même niveau extrême qu’en 1929, juste avant le krach du marché qui a sonné le début de la Grande Dépression.
Malgré tout cela, la complaisance règne magistralement sur les marchés : tout va pour le mieux. Est-ce vraiment le cas ?
Les mêmes forces qui ont fait baisser les actions et fait monter l’or en avril sont toujours là et commencent à crisper les marchés. La faiblesse de la croissance persiste en raison de la dette, de la déflation et de la démographie malgré de bons trimestres occasionnels. La Troïka de Trump (relance budgétaire, dépenses d’infrastructures et réformes réglementaires) n’est toujours pas concrète. Les réductions d’impôt pourraient être reportées à 2018 au plus tôt en raison du temps nécessaire à la réforme du système de santé et au processus de nomination du directeur du FBI. Les dépenses d’infrastructures ne sont même pas abordées… La réforme de la loi Dodd-Frank sera tuée dans l’oeuf par les lobbyistes bancaires.
La Corée du Nord pourrait tester une nouvelle tête nucléaire à n’importe quel moment. Et la Fed est sur la bonne voie pour augmenter les taux en juin et réduire son bilan (réduction de la masse monétaire) malgré la faiblesse économique. C’est une recette parfaite pour une correction du marché (au mieux), ou une récession et une panique dans le pire des cas. Le marché boursier présente une longue liste de caractéristiques qui correspondent à un état de bulle. Mais cela ne signifie pas que les actions s’effondreront demain. C’est justement quand vous pensez que les bulles ne peuvent pas persister qu’elles le font, et continuent à aller plus haut jusqu’à ce que le dernier baissier jette l’éponge. Ensuite, elles éclatent. Que cela se produise cet été ou l’année prochaine est impossible à dire. Mais cela se produira lorsque vous vous y attendrez le moins, et sans raison apparente (bien que les analystes vont élaborer rapidement des causes pertinentes après les faits).
Etant donné l’incertitude de la politique américaine et le timing d’une correction inévitable du marché boursier, c’est actuellement un bon moment pour augmenter votre allocation en espèces. Ce que vous abandonnez en termes de rendement sera plus que compensé en évitant les lourdes pertes de la correction et en pouvant faire des bonnes affaires lorsque la correction aura lieu. La trésorerie de Warren Buffett s’élève à 100 milliards de dollars. Il sait ce qui se passe. Maintenant, vous le savez aussi.