Lundi, mardi, mercredi : même scénario, même avalanche de records à Wall Street, mêmes clôtures systématiquement « au plus haut ».
La Course au rallye de fin d’année
Pourtant, aucune stat’ n’est venue étayer la hausse lundi et mardi – pas d’avantage le pétrole, en repli depuis 3 jours, et encore moins les taux qui se sont au mieux stabilisés durant 48H avant de subir un nouvel accès de fièvre et de flamber jusque vers 2,41% hier.
Le marché monte sans motif, emporté par un élan irrésistible… qui en réalité s’auto-alimente : chaque résistance franchie déclenche de nouvelles rafales d’achats d’ETF. L’une des principales motivations des acheteurs, ce n’est pas une vision claire de l’avenir (personne n’est capable d’évaluer l’impact des Trumponomics, un vague concept marketing sans substance concrète), ni la ferme conviction que les actions peuvent résister indéfiniment à une désintégration de leur prime de risque… non, la raison la plus impérieuse est totalement primaire et court-termiste !
Il s’agit de la peur de se faire distancer par l’irrésistible ascension des indices et de rater le rallye de fin d’année. D’ailleurs, l’essentiel des achats s’effectue de façon mécanique dans le cadre de réplications indicielles. Pas besoin d’avoir d’avis, d’opinion, de vue sur le marché : seule compte la fiabilité des logiciels de gestion du risque et des écarts-type.
Mais plus personne ne s’étonne de rien et l’impensable devient banal: c’est « l’effet Trump » !
Il ne sert à rien d’argumenter. D’ailleurs, tous ceux qui tentent d’opposer du logique et du rationnel aux affirmations du nouveau Président se cassent les dents.
La guerre contre le cash devient une guerre contre l’or
Mais Donald Trump n’a pas le monopole des projets économiques ahurissants. Il est battu à plate couture par le Premier ministre indien, Narandra Modi. Au prétexte de lutter contre la en annonçant, par surprise, que les billets de 500 et 1 000 roupies (moins de 15 €) seraient démonétisés dès le lendemain (ne vaudraient donc plus rien).
Il espère ainsi faire resurgir de sous les matelas, coffres-forts et tas de charbon l’équivalent de dizaines de milliards de dollars qui alimentent une économie souterraine sur laquelle l’état ne peut prélever sa dîme.
Les transactions en cash représentent 95% des transactions de la vie de tous les jours. 700 millions d’Indiens ne possèdent même pas de compte en banque, alors que près de 40% d’entre eux ne savent pas lire. Autrement dit, ils sont incapables d’effectuer les lourdes formalités administratives nécessaires pour obtenir le droit d’échanger les coupures de 500 et 1 000 roupies qu’ils détiennent dans une banque (devant lesquelles se déploient des queues interminables) où il faudra accomplir une série de démarches kafkaïennes (la plus surréaliste consiste à relever et noter le numéro de série de chaque billet présenté au guichet – au fou !). Et le comble du comble, c’est que les fonctionnaires ont eu le privilège de convertir leur cash en premier et dans des conditions optimales (il fallait bien les motiver) sans devoir justifier de la provenance de l’argent et sans devoir faire la queue pour obtenir les nouveaux billets.
Narandra Modi a-t-il pour ambition de faire passer 1 milliard d’Indiens au paiement sans contact via un smartphone coûtant l’équivalent d’un 1 an de salaire ? (beaucoup d’échoppes ou de coopératives agricoles n’ont pas l’électricité, ou y ont accès seulement quelques heures par jour).
Je ne peux m’empêcher de me dire que c’est ce qui nous guette nous, Européens, Occidentaux, quand on voit la guerre contre le cash que mènent nos gouvernements.
Et comme si supprimer 85% du cash ne suffisait pas, le Premier ministre envisage également de décréter un embargo sur les importations d’or, la valeur refuge plurimillénaire, la seule qui les protège contre la désintégration inexorable de la roupie indienne (l’inflation réelle restant supérieure à 6% en 2016).
L’or s’envole en Inde… et plonge dans le reste du monde
Seuls les bijoutiers, unique corporation à pouvoir encore accepter les billets de 500 et 1 000 roupies (avant de les convertir en banque), connaissent un boom des affaires, pour la plus mauvaise raison économique possible : blanchir l’argent noir des plus riches qui raflent tout ce qui existe de potentiellement précieux ! Car cette variante extrême de répression financière contre le cash fait exploser le prix de l’or en Inde. Il se négocie l’équivalent de 2 800 $ l’once sur le marché indien alors qu’il bascule sous les 1 200 $ à Londres et New York pour la seule raison de l’embargo indien : si l’Inde suspend ses importations de métal précieux, ce sont 750 tonnes supplémentaires qui devront trouver preneur cette année… et autant moins qui permettront aux Indiens de thésauriser.
Résultat, les riches et les plus pauvres vont perdre des milliards d’argent thésaurisé de façon parfaitement licite au nom de l’existence d’une masse évidemment considérable d’argent occulte.
En Inde, l’argent liquide vient de perdre en quelques jours plus de la moitié de sa valeur contre l’or et les principales devises étrangères sur le marché noir (dollar, euro, livre sterling). Cet or devient soudain inaccessible aux pauvres, aux paysans et aux petits commerçants (« tous des fraudeurs » aux yeux des dirigeants) tandis que la confiance dans la roupie s’effondre… (A juste titre puisque les faussaires se sont empressés de contrefaire les nouvelles coupures de 500 et 2 000 roupies puisque que la majorité de la population ne les a jamais vues).
Face à ce déferlement de fausse monnaie, face au chaos qui frappe l’inde, quelle prochaine idée folle va encore passer par la tête de Narandra Modi ?
Oui, il est beaucoup question du Brexit, des Trumponomics… Mais le troisième cygne noir de l’année ne proviendrait-il pas de l’Inde, cette puissance nucléaire où « tout peut arriver » ?