Ceux qui s’attendaient à ce que Mario Draghi donne un énième coup de fouet aux marchés ont été déçus. Au regard de la situation économique, plus favorable, le Président de la Banque centrale européenne (BCE) commence à manquer d’arguments pour maintenir le dispositif de rachat d’actifs installé en 2015. Ce « bazooka » apparaît de plus en plus surdimensionné et inapproprié alors que la zone euro affiche une croissance de + 2,6 % en rythme annuel, du jamais vu depuis la sortie de crise de 2010/2011. Bien sûr, l’inflation n’est que de + 1,4 %, loin de l’objectif initialement affiché. Mais qui se plaindra d’une croissance presque deux fois supérieure à la hausse des prix ? Au sein de l’institution, la pression pour une normalisation accélérée de la politique monétaire s’accroît. Et les Allemands ne sont plus les seuls à militer pour un tel revirement.
Logiquement, les investisseurs commencent à revoir leurs exigences en termes de rendement. Selon les données de Bloomberg, le pourcentage d’obligations d’Etats comme d’entreprises qui se traitent à taux négatifs ressort encore à 17 % mais il faut se souvenir qu’il était supérieur à 20 % voici encore six mois. Les taux français à 10 ans s’affichent à près de 1 %, contre 0,6 % début décembre 2017.
La dynamique est encore plus avancée outre-Atlantique où le rendement des T-notes dépasse 2,70 %. Et pourtant, comme nous le soulignions plus haut, l’inflation ne s’est pas encore réveillée. Mais cela pourrait se produire plus vite que prévu et surprendre les marchés. La réforme fiscale américaine semble ainsi devoir se traduire par des hausses de salaire. De même, en Allemagne, le syndicat IG Metall a durci le ton : il réclame un relèvement de + 6 % des salaires de quelques 4 millions d’employés dans le secteur industriel. Alors que l’économie est bien orientée, toute inflation salariale se répercutera dans les prix à la consommation.
Sur le plan boursier, ce changement de paradigme est à prendre en considération. Vous détenez peut-être des fonds obligataires dans vos comptes-titres, assurances-vie ou encore plans d’épargne salariale. Ces derniers ont vécu des années historiquement favorables, mais la roue tourne. Sortez de ces fonds appelés à souffrir de la remontée des taux.
Sur le front des actions, il faut être conscient que les groupes endettés et peu rentables (Altice (AS:ATCA) par exemple) vont se retrouver dans une situation de plus en plus délicate. La hausse de l’euro face au dollar, liée à la réduction des différentiels de croissance et d’inflation entre les deux rives de l’Atlantique, est également un thème dominant de ce début d’année. En Bourse, les valeurs exportatrices sont les premières concernées. Airbus (PA:AIR) est certainement le groupe le plus exposé à une hausse de la devise européenne au moment même où la valorisation du titre est historiquement élevée. L’ensemble du secteur aéronautique est d’ailleurs risqué de ce point de vue. Dans une moindre mesure, l’agroalimentaire souffrira également de la force de l’euro.
Pour terminer, un petit mot sur les risques de bulles évoqués ici et là (Bernard Arnault parle ainsi de « valorisations stratosphériques »).
Le secteur technologique est régulièrement pointé du doigt pour ses excès et pourtant... Depuis deux ans, la performance des FANG (Facebook (NASDAQ:FB), Amazon (NASDAQ:AMZN), Netflix (NASDAQ:NFLX) et Alphabet) est certes impressionnante. Elle s’explique toutefois par l’envolée des profits de ces entreprises. Or, un autre groupe fait beaucoup mieux, il s’agit des MCBM, à savoir McDonald’s, Caterpillar (NYSE:CAT), Boeing (NYSE:BA) et 3M ! Ici, pas de croissance débridée, ni de révolution industrielle mais des rachats d’actions et une forte indexation dans les produits de gestion passive (trackers). Ainsi, la hausse appelle la hausse, sans lien avec la réalité. La bulle existe bel et bien et elle a également pris forme sur des actifs de la « vieille » économie. Soyez prévenus.