Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Si Sanofi (PA:SASY) est évidemment l’entreprise pharmaceutique française la plus connue du grand public, au jeu de la comparaison boursière, le laboratoire Ipsen (PA:IPN) (FR0010259150-IPN), numéro 2 français du secteur, lui tient tout de même la dragée haute. Actuellement sur ses plus-hauts historiques, la performance du titre est impressionnante : il gagne plus de 36% depuis le début de l’année et près de 450% en 5 ans alors que, dans le même temps, Sanofi signe une hausse plus modeste de respectivement 10% et 45% (depuis le 9 juillet 2012). Bon, il faut dire que Sanofi n’a pas eu du tout le même type de progression qu’Ipsen, puisque le titre a rebondi depuis octobre 2008 (+140% environ à ce jour). Cela dit, les performances n’ont rien de comparable, c’est indéniable.
Le Smecta que vous stockez dans votre armoire à pharmacie, c’est Ipsen. De même que l’Actapulgite et le Bedelix. Cependant, ce n’est pas vraiment son fonds de commerce puisqu’il réalise la majeure partie de son chiffre d’affaires (80%) dans la médecine de spécialités et, plus particulièrement sur l’oncologie – domaine dans lequel le groupe se renforce très régulièrement.
Ipsen: une croissance externe à marche rapide
Mi-2016, et en perspective d’une prochaine commercialisation sur le marché européen, Ipsen avait racheté le cabozantinib (traitement du cancer du rein avancé de l’adulte désormais commercialisé sous le nom Cabometyx), pour 300 M€, à l’Américain Exelixis. Et, très rapidement, à la fin septembre, il a reçu une autorisation de mise sur le marché de la Commission européenne. Plus récemment encore (lundi dernier très exactement), Ipsen a finalisé l’acquisition de l’Onivyde auprès de la biotech américaine Merrimack Pharmaceuticals (médicament contre le cancer du pancréas). Selon les modalités de financement, il pourrait bien mettre sur la table près de 1 Md$ (paiement initial de 575 M$ + 450 M$ supplémentaires sous certaines conditions). Le groupe ne lâche pas pour autant la médecine générale. Il a d’ailleurs racheté à Sanofi, en février dernier, toute une gamme de produits grand public (dont le sirop Mucodyne et l’analgésique Prontalgine). Une opération à 83 M€ qui, selon David Meek, DG du groupe « améliore instantanément le profil de rentabilité de la médecine générale de la société et apporte un portefeuille limité de marques d’envergure établies sur des marchés clés comme la France. » Oui, je vous le confirme, Ipsen dépense beaucoup, mais sa situation financière reste très saine. A fin 2016, le laboratoire affichait une trésorerie nette de 69 M€ – et il peut également tirer sur ses lignes de crédit. Donc, vous voyez, il a encore une certaine marge de manoeuvre avant de se mettre véritablement en danger. Si l’on se fie aux résultats publiés par le groupe pour 2016, le dossier a tout d’une success story : son chiffre d’affaires a progressé de 11,8%, à 1,6 Md€, et sa marge opérationnelle atteint les 23%, contre 22,7% sur l’exercice précédent. Que dire de son free cash flow qui a littéralement bondi à 228,8 M€ (+30% !) ! Les perspectives sont également au beau fixe pour l’année en cours, la direction anticipant une forte dynamique des activités courantes et notamment une rentabilité opérationnelle au-dessus des 24%.
Il y a un « mais » à ce beau dossier
Tout cela est bien beau mais, bien évidement il y a un mais… Personne ne dira le contraire, le dossier est cher. Nous sommes sur un PER de quasiment 30 aux cours actuels et sur une VE/ROC de 21… Là, pour le coup, le groupe est nettement plus cher que Sanofi dont le PER est de 14 et la VE/ROC de 17… Alors voilà le dilemme de l’investisseur : un très beau dossier, mais bien trop cher. Que faire ? Eh bien voilà mon raisonnement. Les marchés sont toppish. Il y a, en ce moment, plus de risque de baisse que de potentiel à la hausse – nous verrons après les élections quelle nouvelle dynamique boursière se met en place. Donc, ne pas se précipiter. Surtout qu’Ipsen ne pèse « que » 7,7 Mds€ en Bourse et son capital est détenu à 56,8% par la holding Mayroy qui réunit les intérêts d’une partie des descendants du fondateur du groupe, Henri Beaufour… En mars 2010, cette même holding détenait encore plus de 73%… il y a clairement eu allègement et des cessions de ce genre pourraient bien se poursuivre… Autre élément qui pourrait peser un peu sur le titre et permettre une meilleure fenêtre d’entrée : selon la direction, l’acquisition de l’Onivyde ne sera pas immédiatement relutive – en tout cas pas avant 2018. Donc, tant qu’elle ne sera pas totalement digérée, attendez-vous à ce que les comptes d’Ipsen en pâtissent un peu. Certes, la qualité se paye cher en Bourse. Mais il faut savoir être patient et attendre les bons moments pour se positionner.